logo

Attentats de Paris et de Bruxelles : la "filière Zerkani" à nouveau mise en cause

Reda Kriket, le Français arrêté jeudi à Argenteuil dans l'enquête sur un projet d'attentat déjoué en France, était lié au réseau "Zerkani". Cette filière belge a attiré dans ses filets des jihadistes tels qu’Abaaoud, Akrouh ou Laachraoui.

Il s’appelle Reda Kriket. Son nom a été révélé par les autorités françaises vendredi 25 mars, au lendemain d’une opération antiterroriste menée dans son appartement d’Argenteuil, en banlieue parisienne. Reda Kriket fomentait un attentat en France, selon les enquêteurs. Dans son appartement perquisitionné, les policiers ont découvert un véritable arsenal de guerre, à base d’explosifs et de fusils d’assaut.

Reda Kriket n’est pas un inconnu des services de police. Ce Français, âgé de 34 ans, ancien braqueur, s’était illustré à plusieurs reprises en France pour des faits de délinquance : violences et vols aggravés, séquestration, délits routiers, contrefaçon.

Mais son CV de criminel ne s’arrête pas là. Fiché "S" depuis janvier 2016, Reda Kriket s’est surtout fait remarquer par les services de renseignement belges pour sa proximité avec la mouvance jihadiste dite "Zerkani", du nom d’un prédicateur originaire de Molenbeek, Khalid Zerkani.

>> Attentats de Paris et de Bruxelles : pourquoi tous les chemins du jihadisme mènent à Molenbeek

Condamné en Belgique en juillet 2015 à 12 ans de prison ferme, l’homme est tombé pour son rôle de chef de file dans une filière d'acheminement de combattants vers la Syrie. Au cours de ce même procès, Reda Kriket, jugé par contumace, avait écopé d’une peine de 10 ans de prison. Son arrestation en France illustre une fois encore l’importance des ramifications qui existent entre Français et Belges dans les affaires de terrorisme.

Sur le banc des accusés : Reda Kriket, Abdelhamid Abaaoud, Chakib Akrouh…

"Kriket le Français" n’est pas le seul à avoir gravité autour de "Zerkani le Belge". On sait depuis le procès de juillet 2015, que l’influent prédicateur a attiré dans ses filets des jeunes gens dont les noms sont aujourd’hui familiers : Najim Laachraoui, l’un des kamikazes de l’aéroport de l’attentat de Bruxelles et "artificier" présumé des attentats du 13-Novembre à Paris, Abdelhamid Abaaoud, soupçonné d'être l'organisateur des attentats de Paris, ou encore Chakib Akrouh, mort à Saint-Denis, et suspecté d’être l’un des membres du commando des terrasses dans la capitale française.

>> Abdeslam a accusé Abaaoud d’être "responsable" des attentats de Paris

Lors du procès en 2015, Abaaoud et Akrouh ont été condamnés par contumace, à l’instar de Kriket. Abaaoud a été condamné à 20 ans de prison pour participation aux activités d’un groupe terroriste et recel – soit huit ans de plus que Zerkani. Akrouh, de son côté, a écopé de cinq ans.

Qui est donc ce prédicateur belge, dénominateur commun de tous ces hommes impliqués dans les pires attentats que la France et la Belgique aient jamais connu ? On sait peu de choses sur Khalid Zerkani, hormis qu’il est né le 23 septembre 1973 à Zinata au Maroc. Et qu’il cumule les procès… Zerkani est en effet jugé, depuis février 2016, devant le tribunal correctionnel de Bruxelles pour une autre affaire de recrutement de jihadistes. Un nouveau procès qui fait de lui "le plus grand recruteur de candidats au jihad de Belgique", selon les termes du procureur belge fédéral Bernard Michel. Et parmi les absents de ce procès figurait… Najim Laachraoui, contre lequel le procureur Bernard Michel avait requis 15 ans de prison.

Nébuleuse surveillée mais pas inquiétée

Zerkani s’est donc forgé un réseau aussi impressionnant qu’inquiétant. Outre Kriket, Abaaoud, Laachraoui, le prédicateur belge aurait aussi été en contact avec Seifallah Ben Hassine, le Tunisien leader du groupe salafiste Ansar el Charia, réputé proche de Ben Laden. Zerkani connaîtrait aussi Soufiane Amghar et Khalid Ben Larbi, deux terroristes, proches d'Abaaoud, tués à Verviers en 2015 alors qu'ils s'apprêtaient à commettre des attentats en Belgique. Entre 2012 à 2014, Zerkani est soupçonné d’avoir envoyé (ou tenté d’envoyer) une vingtaine de ses connaissances en Syrie.

>> Le PNR signera-t-il la fin des attaques terroristes en Europe ?

Comment un homme aussi influent n’a-t-il pas été appréhendé plus tôt par les forces de l’ordre belge ? La nébuleuse Zerkani, bien que surveillée, a été laissée en liberté jusqu'à ce que la police procède à de vastes coups de filet début 2014. Mais les interventions sont arrivées un peu tard : entre-temps, plusieurs de ses membres ont déjà multiplié les allers-retours en Syrie.

"Le Père Noël de Molenbeek"

Zerkani n’a rien d’un chef de file élégant, à en croire les médias belges. Il a de la bedaine, et porte des survêtements de sport. Il est surnommé le "Père Noël" de Molenbeek, notamment à cause de sa longue barbe et de ses nombreuses distributions d’argent aux jihadistes.

Quand il a été arrêté en 2014, Zerkani avait 4 000 euros en poche et de nombreuses devises d’Oman, de Tunisie, de Singapour, révèle le quotidien belge La Dernière Heure. "Zerkani n’a jamais travaillé de sa vie, ajoute le journal […] Son appartement était une caverne d’Ali Baba d’objets hétéroclites volés aux quatre coins du pays par cambriolages, vols dans véhicule et pickpockets."

Zerkani, qui n’a jamais exercé de métier, percevait d’importantes sommes d’argent en convainquant ses "disciples" de voler les "mécréants". Selon l’Obs, présent au procès de février, l’un deux a affirmé avoir été incité par Zerkani à commettre des "vols quasi-quotidiens, notamment dans les valises des voyageurs de la Gare du Midi" pour financer la cause jihadiste.

"Il a perverti toute une jeunesse"

Son influence, voire son emprise, sur ses recrues est stupéfiante. Selon le magistrat Bernard Michel, elle serait bien supérieure à celle de Fouad Belkacem, idéologue et principal prédicateur de Sharia4Belgium, condamné en février 2015 par le tribunal correctionnel d'Anvers à 12 ans de prison pour avoir dirigé ce groupe d'inspiration salafiste, considéré en Belgique comme un pourvoyeur important de combattants pour la Syrie. "Chaque fois qu'il a été logé chez quelqu'un, le propriétaire est parti en Somalie ou en Syrie", a déclaré le procureur belge à son procès.

"[Zerkani] a perverti toute une jeunesse, particulièrement celle du quartier Maritime de Molenbeek-Saint-Jean", a encore accusé le procureur belge.

Aujourd’hui la multiplication des affaires de terrorisme liées à sa mouvance donne à son nom une importance toute particulière. Ce qui ne l’empêche pas de nier en bloc tous les faits qui lui sont reprochés. "Je suis un homme de paix", a-t-il déclaré lors du premier jour de son procès de février.

Avec AFP