logo

Régionales en Allemagne : percée de la droite populiste AfD, revers pour la CDU de Merkel

La CDU de la chancelière Angela Merkel a subi un sérieux revers, dimanche soir, lors d'élections régionales dans trois États allemands. De son côté, le parti populiste AfD signe une percée historique dans un contexte d'inquiétude liée aux migrants.

Les conservateurs de la CDU d'Angela Merkel ont essuyé un sérieux revers, dimanche 13 mars, lors d'élections dans trois États régionaux. De leur côté, les populistes de l'AfD ont enregistré une importante percée, signe qu’un tabou est en passe de tomber dans l'Allemagne d’après-guerre.

Dans son fief historique du Bade-Wurtemberg (sud-ouest), l'Union chrétienne-démocrate (CDU) n'arrive qu'en deuxième position (27,0 % environ), derrière les Verts (30,3 %), une première. En Rhénanie-Palatinat (ouest), elle se classe deuxième (31,8%) derrière les sociaux-démocrates du SPD (36,2,5 %), selon les projections de la chaîne de télévision ZDF..

Les populistes de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) ont engrangé respectivement 15 % et 12 % des voix.

En Saxe-Anhalt (est), la CDU s'en sort en tête avec 29,8 % des suffrages. Mais avec 24,2%, l'AfD obtient un score historique, pour un parti populiste de droite. Elle se classe même comme deuxième force politique régionale, devant la gauche radicale Die Linke (16,5 % à 17 %).

La participation dans les trois États a été supérieure à celle de 2011 (+ 5,7 % dans le Bade-Wurtemberg, + 9,7 % en Rhénanie-Palatinat et + 11,8 % en Saxe-Anhalt).

Le casse-tête des coalitions régionales

Ce sont donc les populistes, dont le parti a été fondé il y a seulement trois ans, qui apparaissent comme les grands vainqueurs du scrutin. Cette percée va aussi compliquer la tâche de la CDU, du SPD et des Verts pour bâtir des coalitions régionales stables.

L'AfD sera désormais représentée dans huit des seize régions du pays, à dix-huit mois des élections législatives et alors que d'autres scrutins régionaux sont attendus d'ici là.

Le coprésident de l'AfD, Jörg Meuthen, a fait part de sa "joie" devant ces résultats, affirmant que sa jeune formation anti-immigration n'était pas raciste et ne le serait jamais. L'AfD a pourtant placé au coeur de la campagne la politique migratoire jugée trop généreuse de la chancelière, qui a ouvert ses portes à 1,1 million de demandeurs d'asile en 2015 en Allemagne.

Passé nazi et sentiment de culpabilité

L'envolée de ce parti, qui a multiplié les dérapages verbaux anti-migrants, constitue un scénario inédit depuis 1945, dans un pays toujours en quête d'exemplarité morale, après l'horreur nazie.

Les enquêtes d'opinion montrent depuis longtemps qu'un potentiel proche de celui d'autres pays européens existe en Allemagne pour un parti populiste xénophobe. Mais le passé nazi du pays et le sentiment de culpabilité encore très répandu ont agi comme un frein en comparaison de l'Autriche, de la Suisse ou de la France.

Malgré un appel à la mobilisation d’Angela Merkel et de nombreux ministres – le ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, a qualifié récemment ce parti de "honte pour l'Allemagne" –, l’AfD a creusé son sillon dans un pays inquiet en haranguant les foules contre les partis traditionnels, enregistrant des scores importants, aussi bien dans les deux riches régions de l'Ouest en jeu dimanche qu'en Saxe-Anhalt, Land déshérité d'ex-Allemagne de l'Est.

Les sociaux-démocrates laminés

Partenaires de la CDU au gouvernement, les sociaux-démocrates ont aussi connu une soirée très difficile. S'ils arrachent la victoire en Rhénanie-Palatinat à la protégée d’Angela Merkel, Julia Klöckner, le SPD est laminé dans les deux autres régions, avec entre 12 % et 13 % des voix seulement en Bade-Wurtemberg et Saxe-Anhalt.

Ces résultats apparaissent comme un coup de semonce pour les deux grands partis qui dominent la vie politique du pays depuis soixante-dix ans. La chancelière n'a pas encore dit si elle briguerait un quatrième mandat à l'issue des législatives prévues pour septembre 2017.

Néanmoins, Angela Merkel, dont la popularité personnelle reste assez élevée, ne semble pas menacée dans l'immédiat, aucun rival sérieux n'ayant émergé.

Elle a refusé jusqu'ici de plafonner les arrivées de migrants en Allemagne, comme le réclame l'aile bavaroise. Elle milite au contraire pour des solutions à l'échelle européenne et un accord entre la Turquie et l'UE, en cours de négociations. Mais la chancelière, isolée, peine à rallier les autres Européens à sa cause.

Avec AFP et Reuters