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Valls, seul contre la gauche

Elle a rarement été unie, mais exceptionnellement, elle a fait une fleur (ou une rose ?) à Valls : la gauche est vent debout contre lui. Le dernier recours du Premier ministre ? Diviser les syndicats.

"Il ne veut pas rester à Matignon jusqu'à la fin et être coresponsable du bilan", rapporte un élu proche du gouvernement. Depuis les débats sur la Loi Travail qui lui donnent du fil à retordre, Manuel Valls fait face à une rude épreuve : un désert de soutiens. Ou pour le dire autrement, une forêt de boucliers levés. "Tant que je peux, je réforme", a pourtant affirmé le Premier ministre, en référence à la fois à la loi El Komhri et l'inscription de la déchéance de nationalité dans la Constitution. Cette fermeté est-elle sa dernière carte à jouer afin de prendre congé avant la fin du quinquennat, la tête haute ? A gauche, Valls est aujourd'hui bien seul.

1. Il est boudé par la gauche de la gauche... et même par la gauche raisonnable

Accusé d'être trop libéral, il n'a jamais été vraiment apprécié par l'aile gauche de son camp. Nommé après une débâcle aux élections municipales, Valls avait presque immédiatement dû subir des voix discordantes de la majorité, notamment à l'occasion de la réforme territoriale. Entre l'exécutif et les élus socialistes "frondeurs" qui reprochent au projet de Loi Travail d'être un cadeau fait à la droite, la scission est réactivée. 

"Trop c'est trop !", "Pas ça, pas nous, pas la gauche !", a rajouté Martine Aubry dans une tribune publiée dans les colonnes du Monde et cosignée avec Daniel Cohn-Bendit, Axel Kahn, François Lamy et Jean-Marc Germain. Un texte qui met le feu aux poudres, surtout de la part d'une socialiste habituellement plutôt discrète. La maire de Lille s'est également exprimée dans une tribune écrite à plusieurs mains, qui rappelle que "la gauche a appris des mouvements ouvriers qu’il n’y a pas de liberté sans égalité".

Retrouver la tribune "Sortir de l'impasse!" sur https://t.co/zHWYSM5Z0j

— Martine Aubry (@MartineAubry) 24 février 2016

Même la gauche "raisonnable" s'est mise à critiquer le Premier ministre. Alors qu'ils avaient été chargés d'une mission de réflexion sur la refonte du Code du travail, les juristes Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen se sont exprimés depuis pour dézinguer la direction prise par la réforme (dans une lettre ouverte pour le premier, dans une interview pour le second).

2. La jeune garde socialiste lui tourne le dos

La vitrine en ligne de la mobilisation est en train d'avoir pignon sur rue. L'Unef, premier syndicat étudiant, a appelé à une journée d'action en France ce 9 mars pour "rejoindre le rassemblement à Paris" et réclamer le retrait pur et simple du projet de Loi Travail. Ils ont été rejoints par les lycéens (UNL, FIDL) et diverses organisations politiques de la jeunesse (Jeunes communistes, Parti de gauche, NPA).

VOIR AUSSI : Les manifestations étudiantes, cauchemar des gouvernements

L'annonce du report de 15 jours de la présentation du projet n'a pas suffi à les calmer. "A chaque fois que des politiques nous ont dit qu'il fallait mieux être travailleur précaire que chômeur, on avait plus de précarité et plus de chômage", a dénoncé William Martinet, l'étudiant en sciences sociales et président de l'Unef invité dans la matinale des Echos du mardi 1er mars.

Un désaveu d'autant plus frustrant pour Manuel Valls qu'il a un jour été militant de l'Unef.

#UNEF mobilisé contre la #LoiTravail viens signer la pétition ! pic.twitter.com/b8KpdAqBmn

— Emilie Bellin (@EmilieBellin) 2 mars 2016

On est plus chaud que le climat ! @UnefLyon @UNEF #LoiTravailNonMerci pic.twitter.com/d6EZ4XvdhW

— Fabrice (@FabriceTorro) 29 février 2016

Même ambiance du côté du MJS, le Mouvement des jeunes socialistes : "Comment pouvons-nous être crédibles en faisant au pouvoir ce que nous combattions dans l'opposition ?", se demande son président Benjamin Lucas dans une tribune publiée sur FranceTVinfo. "Il est urgent de stopper la dérive libérale", a-t-il vilipendé. 

Réforme du code du travail : "Retirons ce projet !" demande Benjamin Lucas (MJS) | France info https://t.co/KS1GDaU31M

— MJS (@JeunesSocialist) 1 mars 2016

3. La dernière chance de Valls : diviser les syndicats 

C'est une première depuis la réforme des retraites de Sarkozy en 2010 : les syndicats étaient tous unis contre le projet de Loi Travail.

Mais depuis l'annonce du report de la présentation au 24 mars, les réactions sont mitigées. Alors qu'ils rencontreront le Premier ministre, la ministre du Travail et celui de l'Économie bientôt, les syndicats sont en train de se diviser. Certains sont plus radicaux que d'autres. 

"Il n'y a pas d'incompréhension mais de vrais désaccords", a répliqué Laurent Berger à Manuel Valls qui évoquait des "incompréhensions" entre les partenaires sociaux et l'exécutif. Pour le secrétaire général de la CFDT qui répondait aux questions du Parisien - Aujourd'hui en France mardi 1er mars, la bataille continue puisqu'il faut ""retirer le plafonnement des indemnités prud'homales, le pouvoir unilatéral de l'employeur et revoir le cadre des licenciements économiques" (sic).

Ns avons obtenu le report du projet #LoiTravail, ns allons maintenant ns battre ds la concertation pr obtenir un rééquilibrage du texte 1/3

— Laurent Berger (@CfdtBerger) 29 février 2016

Il faut retirer le plafonnement des indem. prud'hommes, le pouvoir unilatéral de l'employeur, revoir le cadre des licenciements éco... 2/3

— Laurent Berger (@CfdtBerger) 29 février 2016

Et developper la sécurité pr les salariés en élargissant le champ de Compte personnel d'activité (CPA) notamment au compte épargne temps 3/3

— Laurent Berger (@CfdtBerger) 29 février 2016

Pour Luc Bérille, le secrétaire génétal de l'Unsa (Union nationale des syndicats auotonomes), l'annonce de Manuel Valls est une bonne nouvelle : "Les concertations vont enfin s'ouvrir. Je me réjouis que ce soit Manuel Valls qui reçoive les partenaires sociaux, parce qu'on voit bien qu'on a besoin d'interlocuteurs en capacité de négocier avec nous et de rendre des arbitrages politiques". 

Ce n'est pas du tout l'avis de Jean-Claude Mailly du syndicat FO, qui continue à exiger le retrait du texte et refuse de se laisser avoir par l'annonce du report : "Reporter n'est pas suspendre, reporter c'est fixer une autre date, suspendre c'est annuler le calendrier prévu".

«Si vous construisez une maison bringuebalante, il faut tout raser et reconstruire complètement» @jcmailly #FO pic.twitter.com/JnEHeEq2xP

— Jean-Claude Mailly (@jcmailly) 2 mars 2016

Pour Manuel Valls, les soutiens à gauche se sont donc largement raréfiés. Alors que le Premier ministre bat actuellement son record d'impopularité, cet épisode l'isole un peu plus dans son propre camp. Maintenant qu'il a perdu le soutien de l'Unef, le spectre d'un mouvement de grève similaire à celui que Dominique de Villepin avait vécu avec le CPE, le hante. Seule solution : temporiser en recevant l'ensemble des partenaires sociaux, qu'il n'est pas prêt de pouvoir si facilement amadouer.

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