
Huées, sifflets ou jets d’œuf… Passage obligé des hommes politiques français, le Salon de l’agriculture est le théâtre régulier des manifestations de colère du monde agricole. Mais aussi de moments de complicité voire de déclarations d’amour.
Un président hué et insulté par des éleveurs, des heurts autour du stand du gouvernement démonté par des manifestants, et des éleveurs qui crient leur détresse : l’ouverture, samedi 27 février à Paris, du 53e Salon de l'agriculture aura été marquée par une extrême tension.
Ce n'est pas la première fois que ce rituel de la vie politique française donne lieu à des débordements. Passage obligé des responsables politiques qui y viennent prendre le pouls de la France rurale, la plus grande ferme éphémère de l’Hexagone est le théâtre régulier d’invectives mais aussi, bien que plus rarement, de déclarations d’amour. Le tout filmé sous l’œil des caméras. Tour d’horizon des visites les plus emblématiques.
• 2013 – Hollande : "Nicolas Sarkozy, tu ne le verras plus"
Jusqu’à ce samedi 27 février 2016, François Hollande avait connu des Salons de l’agriculture plutôt sereins. En 2013, lors de sa première visite en tant que chef de l’État dans les travées de l’exposition, le président s’était même permis une petite pique en direction de son prédécesseur. À un enfant qui lui disait n’avoir jamais vu Nicolas Sarkozy "en vrai", il avait répondu : "Et ben, tu ne le verras plus !"
Entre le président et le monde agricole, les choses ont commencé à se gâter l’an passé. Comme le rappelle le site d’Europe 1, après 8 heures de visite dans le calme, François Hollande avait essuyé des sifflets au moment de son départ. Un signe, déjà, de la colère montante des agriculteurs…
• 2008 - Sarkozy : "Casse-toi, pauv’ con"
Événément ultra-médiatisé, le Salon de l’agriculture interdit le moindre écart de conduite de la part des politiques. Lors de l'édition 2008, Nicolas Sarkozy, élu à la tête du pays quelques mois tôt, en a fait les frais. Alors qu’un visiteur refuse de lui serrer la main, le président lance un "Casse-toi, pauv’ con" qui aurait pu passer inaperçu s’il n’avait été enregistré par une caméra.
Jusqu’à la fin de son mandat, la formulation confortera l’image véhiculée par ses détracteurs d’un président incapable de sang froid. Dans son récent livre confession intitulé "La France pour la vie", Nicolas Sarkozy affirme lui-même avoir fait preuve d’un préjudiciable manque de délicatesse : "Ce fut une bêtise que je regrette encore aujourd'hui. En agissant ainsi, j'ai abaissé la fonction présidentielle."
• 2011 – Accueil triomphal pour Jacques Chirac
Champion incontesté de l’exercice, Jacques Chirac est considéré comme le pionnier des interminables visites dans la plus grande ferme de France. Dégustations de produits du terroir, poignées de main amicales et petites tapes sur l’arrière-train des bovins… pour l’ancien président, tout est bon dans le salon.
Un appétit et une sympathie pour le monde agricole qui lui a valu d’être toujours bien accueilli par les exposants. En 2011, alors qu’il n’est plus qu’un simple citoyen depuis quatre ans, c’est sous les ovations qu’il effectue ce qui est, à ce jour, son dernier passage au salon. Telle une rock star en tournée d’adieu.
• 2001 – Jets d’œuf pour Lionel Jospin
Alors que la filière bovine traverse une grave crise née de la "vache folle", le Premier ministre qu’est Lionel Jospin visite le Salon de l'agriculture sous les huées et… les jets d'œuf. Le "bombardement" est tel que son service de sécurité doit le protéger à l’aide d’une sacoche.
L’image d’un chef du gouvernement obligé de fuir sous les projectiles est du plus mauvais effet. D’autant qu’elle rappelle un épisode tout aussi fâcheux : quelque mois plus tôt, en Cisjordanie, Lionel Jospin avait dû s’abriter des jets de pierre venant de Palestiniens mécontents de ses propos sur le Hezbollah.
• 1999 – Des noms d’oiseau pour Dominique Voynet
En 1999, malgré le saccage, survenu quelques jours plus tôt, de son bureau par des agriculteurs, Dominique Voynet, alors ministre de l’Environnement, décide de se rendre au Salon. Une visite à haut risque pour la responsable écologiste qui porte alors une loi de taxation des engrais et des pesticides.
Résultat, la ministre est accueillie par une bordée d’injures que la bienséance nous interdit de reproduire ici. Mais ce jour-là, les insultes ne sont pas les seules à voler. Les menaces aussi fusent. À l’époque, Libération rapportait cet échange tendu : "’Vous n'avez pas peur de venir voir les agriculteurs ?’ interpelle un homme. ‘Non’, répond la ministre. ‘Vous avez tort, il y en a 5 000 derrière moi.’" Ambiance.