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Grande Guerre : le Mémorial de Verdun, symbole d'une mémoire désormais partagée

Après plus de deux ans de travaux, le Mémorial de Verdun a fait peau neuve. Dans un bâtiment entièrement rénové et modernisé, il propose aux visiteurs de suivre les combattants sur le champ de bataille, qu'ils soient français ou allemands.

C’est une expérience à part entière et un voyage dans le passé. En franchissant la porte du Mémorial de Verdun, on revient, 100 ans en arrière, sur le champ de bataille. C'est sur ce même champ de bataille qu'a été construit l'édifice il y a près de cinquante ans. "Ici c’est la terre sacrée de Verdun. Vous êtes sur la zone rouge, celle des combats. Une zone qui est totalement inconstructible car c’est un gigantesque cimetière avec des milliers de corps ensevelis dans cette forêt", résume Geneviève Noirot, une des scénographes chargées de la rénovation du Mémorial.

Dès le début du parcours du mémorial, cette terre meurtrie est omniprésente. Le premier niveau repose en effet sur un plancher transparent qui laisse entrevoir un flot de boue. Quelques obus et des douilles ont aussi été disséminés dans cette mélasse reconstituée en résine. Comme l’explique Édith Desrousseaux de Medrano, commissaire de l’exposition permanente, tout a été conçu pour mettre le visiteur dans les pas d’un combattant de Verdun : "On joue constamment sur ce fil rouge, un croisement entre une terre martyrisée qui porte les cicatrices de la bataille et puis le destin de ces hommes qui la vivent".

Une tension permanente

Lorsqu’il avait été inauguré en 1967, le Mémorial se présentait sous forme d’une succession de vitrines dévoilant des uniformes, des armes ou des pièces d’artisanat réalisées par les poilus dans les tranchées. Un demi-siècle plus tard, le site a été entièrement repensé. Après deux ans de travaux, il permet maintenant de s’immerger en première ligne, sous le feu des bombardements, grâce à des reconstitutions visuelles et sonores, le tout appuyé par les témoignages d’anciens poilus écrits sur les murs ou à écouter sur des bornes sonores.

Dans ce mémorial version XXIe siècle, qui ouvre de nouveau ses portes au public à partir du 22 février, les objets personnels des combattants occupent une place de choix. On les découvre au fur et à mesure de notre progression dans cet univers sombre et confiné représentant l’avancée vers le front. Ici un casque perforé par un tir, là le grigri d’un tirailleur algérien, ou encore des médailles fièrement exposées dans un cadre. "Il y a une tension qui se développe entre ces objets très fragiles et le gigantesque spectacle audiovisuel qui est comme un cœur palpitant et qui représente l’homme perdu dans une terre devenue complètement lunaire", décrit Édith Desrousseaux de Medrano.

"Verdun n’est-il pas mangeur d’hommes ?"

Dans cet enfer, soldats français et allemands sont placés au même niveau. Dans les vitrines, leurs objets sont rassemblés, tandis que sur les murs, leurs témoignages se répondent. "Ici, j’ai peur. Verdun n’est-il pas mangeur d’hommes ?", s’interroge un poilu. "Maman, pourquoi m’as-tu donné naissance ? Pourquoi dois-je connaître cela ?" écrit également un soldat du Kaiser. À l'origine, l'édifice avait été pensé uniquement par les combattants français en hommage à leurs camarades. Aujourd'hui, il devient le symbole d’une mémoire partagée. "On ne parle plus du combattant français, mais du combattant de Verdun quelle que soit sa nationalité. C’est cela la grande évolution", insiste Thierry Hubscher, le directeur du mémorial.

Après tous ces travaux, les anciens poilus auraient bien du mal à reconnaître l’ancien bâtiment, mais l’essentiel est préservé. "Ce lieu a été voulu par les anciens combattants avec l’idée d’ériger sur ce champ de bataille un mémorial et non un musée en souvenir de leurs camarades tombés dans cette fournaise", rappelle Francis Lefort, président du comité national du Souvenir de Verdun. "Nous avions rendu visite à Lazare Ponticelli, le dernier poilu, un mois avant son décès. À 110 ans, il nous avait laissé ce message : 'Ne nous oubliez pas'. Un vœu qui a été entendu et surtout réalisé. En alliant avec modernité mémoire et enseignement, le mémorial version 2016 s’adresse avec habileté autant aux disparus qu’aux nouvelles générations.