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Vidéo : le fantôme de Franco hante toujours l’Espagne

Quarante ans après la mort du dictateur Francisco Franco, l’Espagne ne parvient toujours pas à faire le deuil de son passé. Entre pro et anti, le pays demeure profondément divisé. Nos reporters sont allées à Madrid, à la rencontre de ces Espagnols toujours habités par la mémoire du Caudillo.

Pour beaucoup d’Espagnols, le sujet est tabou. Au sein d’une même famille, on trouve parfois des partisans des deux camps : républicain et franquiste. Au détour d’une réunion familiale, des générations d’hommes et de femmes élevés pendant la démocratie ont parfois appris qu’un proche avait disparu, avait été torturé, fusillé ou enlevé pendant la guerre civile (1936-1939) ou pendant la dictature du général Franco (1939-1975).

Selon l’ONU, l’Espagne est, après le Cambodge, le deuxième pays au monde qui a connu le plus de disparitions forcées. Plus de 150 000 personnes sont portées disparues pendant ces années noires, d’après les chiffres officiels. Des dizaines de milliers d’autres ont été torturées, des milliers d’enfants volés à leur mère, souvent communiste ou de gauche, pour être confiés à "de bonnes familles catholiques".

Le devoir de mémoire à l'épreuve de la loi d'amnistie

Au lendemain de la transition démocratique, en 1977, l’Espagne adopte une loi d’amnistie controversée, qui permet aux personnes condamnées pendant la guerre civile et la dictature de retrouver un casier judiciaire vierge. Une loi qui a profité aux bourreaux de la dictature. Aucun des gouvernements successifs n’a eu le courage de remettre en cause ce texte qui empêche tout procès. Si en 2007, le gouvernement socialiste de Zapatero a adopté une loi de réconciliation nationale permettant une reconnaissance des victimes et l’ouverture de fosses communes, beaucoup l’ont jugée trop timide et inefficace.

Aujourd’hui, de plus en plus d’Espagnols souhaitent obtenir justice et réparation. Ceux qui sont encore en vie mènent leur dernière bataille pour que leurs tortionnaires, parfois encore en vie, soient jugés. Les descendants des disparus veulent aussi connaître la vérité. Savoir où le corps d’un être cher, père, oncle ou grand-père repose, et quel a été leur sort. Savoir quelle est leur famille biologique et quelle est son histoire. Mais leurs appels restent souvent sans réponse, leur plainte classée sans suite. Pour les victimes et leurs proches, le besoin de reconnaissance est immense et le combat semé d'embûches.

Malgré de nombreuses condamnations internationales et la pression de la société civile, Madrid peine à enquêter sur sa période franquiste et à rouvrir les plaies du passé. Quarante ans après sa mort, la mémoire du Caudillo, souvent comparé à Adolf Hitler, hante toujours les Espagnols. Ses partisans continuent même à lui rendre hommage, à glorifier son rôle dans l’Histoire et comptent bien réhabiliter leur héros... Alors qu'une grande partie de la classe politique recherche avant tout l’apaisement, le processus de recherche de la vérité sur les années noires de l’Espagne reste encore un vaste chantier.