Des dizaines de milliers de Syriens affluent vers la frontière turque pour échapper à l'offensive du régime de Damas, soutenue par son allié russe, dans la province d'Alep. L'UE a rappelé samedi matin à Ankara son devoir d'accueillir ces réfugiés.
L'offensive de l’armée syrienne dans la région d'Alep, soutenue par l’aviation russe, se poursuit sans relâche, poussant sur les routes des dizaines de milliers de personnes. Près de 40 000 Syriens ont quitté leur domicile depuis le début de la semaine, ont estimé vendredi les Nations unies.
"Nous estimons que jusqu'à 20 000 personnes se sont rassemblées au poste-frontière de Bab al-Salama et que 5 000 à 10 000 autres ont été déplacées vers la ville d'Azaz", a déclaré Linda Tom, porte-parole du Bureau des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA). Elle estime que 10 000 autres personnes ont fui vers la ville kurde d'Afrine.
L'Union européenne a rappelé samedi 6 février à la Turquie son devoir, au regard du droit international, d'accueillir ces milliers de réfugiés bloqués à sa frontière. Interrogé par les journalistes sur le fait qu'Ankara a fermé le poste-frontière d'Oncupinar (appelé Bab al-Salama côté syrien), où aucune entrée ou sortie du territoire n'était autorisée vendredi, le commissaire à l'Élargissement, Johannes Hahn, a rappelé que "la Convention de Genève, qui stipule qu'il faut accueillir les réfugiés, [était] toujours valide".
La Turquie se prépare à l'accueil de nouveaux réfugiés
Selon un journaliste de l'AFP, la situation était calme au poste-frontière turc d'Oncupinar (appelé Bab al-Salama côté syrien), où aucune entrée ou sortie n'était encore autorisée, dans la nuit de vendredi à samedi. La Turquie, qui accueille déjà quelque 2,5 millions de Syriens, a accusé les "complices" russes de Damas de "crimes de guerre".
"Un responsable turc nous a assuré que la Turquie va ouvrir ses passages mais pas avant d’avoir finalisé ses préparatifs : à savoir, l’installation de nouveaux camps mais surtout l’organisation du contrôle des passages, avec des fouilles mais aussi la prise des empreintes de manière systématique pour sécuriser ces nouvelles arrivées", explique Fatma Kizilboga, envoyée spéciale de France 24 à la frontière turco-syrienne.
>> Sur France 24 : Vidéo : les Turkmènes de Syrie en quête d'un refuge en Turquie
La ville d'Alep, dont l'Ouest est contrôlé par le régime et l'Est par les rebelles depuis plus de trois ans, est la cible depuis lundi d'une vaste offensive de l'armée et d'intenses bombardements de l'aviation de Moscou, son principal allié. Les insurgés sont désormais menacés d'un siège total, la principale route d'approvisionnement entre Alep et la Turquie ayant été coupée.
"Les combats ont perturbé une grande partie de [l'acheminement de] l'aide et des routes de ravitaillement depuis la frontière turque", a souligné de son côté Linda Tom, déplorant que "l'accès aux populations [devenait] de plus en plus difficile". Sur une vidéo diffusée par des militants sur Internet, on peut voir des centaines de personnes, dont de nombreux enfants, se dirigeant vers un poste-frontière turc. Certaines portent sur le dos des sacs en plastique, d'autres semblent être parties sans rien.
itLa Russie "mine les efforts" des négociateurs, selon l'Otan
D'un point de vue diplomatique, ces offensives, lancées lundi contre l'ancienne capitale économique de la Syrie, seraient selon l'Otan la cause de la suspension des négociations de Genève, annoncée le 3 février. Plus précisément, selon le secrétaire général de l'Alliance Jens Stoltenberg, les frappes aériennes russes, qui "visent principalement les groupes d'opposition en Syrie, minent les efforts pour trouver une solution politique" au conflit syrien.
"En outre, le renforcement de la présence russe, son activité aérienne intense en Syrie causent aussi des tensions accrues et des violations de l'espace aérien turc", a-t-il accusé lors de son arrivée à une réunion des ministres de la Défense de l'Union européenne à Amsterdam.
Laurent Fabius a lancé une nouvelle charge contre le régime syrien et ses alliés, la Russie et l'Iran, en arrivant à Amsterdam. "La réalité, c'est que Bachar al-Assad est soutenu par la Russie, et par l'Iran aussi, au travers du Hezbollah, et c'est en train de torpiller complètement les négociations de Genève", a déclaré le chef de la diplomatie française. "Il ne peut pas y avoir de discussion politique si l'un des camps est en train d'assassiner l'autre !", s'est-il indigné.
Moscou impassible
"Il faut revenir à la table (des négociations) et respecter les obligations humanitaires, arrêter de massacrer la population, de la bombarder et de faire le siège de villes avec des centaines de milliers de gens qui sont affamés. Ça, c'est la responsabilité de Bachar al-Assad, mais Bachar al-Assad, tout le monde le sait, est soutenu en particulier par les Russes", a martelé le ministre français.
Alors que le Conseil de sécurité de l'ONU tient vendredi 5 février des consultations sur la Syrie, Moscou a balayé d'un revers de la main les critiques du camp occidental. "La Russie produit constamment des efforts dans le cadre international pour trouver une solution pacifique et politique à la situation en Syrie", a répliqué vendredi, par médias interposés le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, tout en soulignant que Moscou continuerait de soutenir Bachar al-Assad "dans son combat contre la terreur".
Avec AFP et Reuters