En pointant un doigt accusateur vers le président russe Vladimir Poutine, les conclusions de l’enquête britannique sur la mort de l'ex-agent du KGB Alexandre Litvinenko ont provoqué, jeudi, des remous diplomatiques entre Moscou et Londres.
Sans surprise, les conclusions d'un juge britannique, impliquant directement l'État russe et personnellement le président Vladimir Poutine dans le meurtre en 2006 de l'ex-agent du KGB, Alexandre Litvinenko, ont déclenché une poussée de fièvre diplomatique, jeudi 21 janvier, entre Londres et Moscou.
"L'administration Poutine, dont le président en personne et le FSB [nouveau nom du KGB, ndlr], avait des motifs pour engager des actions contre Litvinenko, y compris pour l'assassiner", a écrit le juge Owen dans son rapport d’enquête. Par conséquent, il estime que "l'opération du FSB a probablement été approuvée par Nikolaï Patrouchev [ex-chef du FSB, ndlr] et aussi par le président Poutine".
"Une blague", selon le Kremlin
Moscou a aussitôt dénoncé une "blague". "Visiblement, on peut relier ça à l'élégant humour britannique", a déclaré aux journalistes le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, ironisant sur un rapport "basé sur les informations confidentielles de services secrets non identifiés". Ce dernier a ajouté que "la pseudo-enquête dont il est question aujourd'hui peut empoisonner un peu plus les relations bilatérales", regrettant que le gouvernement du Premier ministre David Cameron ait choisi "la voie du gel non seulement de la coopération, mais également du dialogue".
Le ministère russe des Affaires étrangères a, quant à lui, balayé d’un revers de la main un rapport "tendancieux et opaque", tout en reprochant à Londres d'avoir politisé l'affaire.
itCameron dénonce un crime "commandité par un État"
"Il y a des cartouches du côté de Moscou. Nous n’avons jamais vu l’autopsie de Litvinenko. Pourquoi ? Ce sont des questions que l’on peut poser pour enfoncer un coin dans la théorie britannique, analyse Gauthier Rybinski, spécialiste des questions internationales à France 24. Curieusement, c’est un peu comme si Londres avait fait une rétention d’informations sur la mort de cet homme et cela donne des arguments à Vladimir Poutine".
L'assassinat de Litvinenko a "probablement été approuvé" par Vladimir Poutine et le FSB, selon l'enquête
#Litvinenko: the paragraph that blames Putin pic.twitter.com/tI5fqofSkb
— Oliver Bullough (@OliverBullough) 21 Janvier 2016Toujours est-il que pour David Cameron, ce rapport "confirme ce que nous avons toujours cru, et ce que le dernier gouvernement travailliste croyait à l'époque de ce meurtre épouvantable, c'est-à-dire qu'il a été commandité par un État".
"C'est pourquoi le précédent gouvernement avait décidé d'expulser les diplomates russes, de délivrer des mandats d'arrêt et de refuser de coopérer avec les agences de renseignement russes. Des mesures qui persistent", a-t-il déclaré aux télévisions britanniques. Et d’ajouter : "Aujourd'hui, nous avons ajouté [à ces mesures] un gel des avoirs et allons solliciter à nouveau les autorités judiciaires pour voir ce qui peut être fait".
Le gouvernement britannique a ainsi convoqué l'ambassadeur de Russie à Londres tandis que la ministre de l'Intérieur Theresa May a jugé les conclusions du rapport Owen "profondément troublantes" et dénoncé "une violation flagrante et inacceptable des points les plus fondamentaux du droit international". De son côté, le Parti travailliste a évoqué quant à lui un "acte sans précédent de terrorisme d'État".
Toutefois, alors même que cette tempête diplomatique bat son plein, David Cameron a reconnu sur la BBC que le Royaume-Uni se devait d'entretenir des relations diplomatiques avec la Russie, "parce que nous avons besoin d'une solution à la crise en Syrie".
Avec AFP et Reuters