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La Chine, nouvel acteur bientôt incontournable au Moyen-Orient

Le voyage du président chinois Xi Jinping, du 19 au 23 janvier, en Arabie saoudite, en Égypte et en Iran rappelle au reste du monde l'influence grandissante de Pékin au Moyen-Orient au niveau énergétique, commercial et géopolitique.

Difficile de faire plus symbolique. En se rendant personnellement cette semaine en Arabie saoudite, en Égypte et en Iran, le président chinois Xi Jinping sait que le message envoyé au reste du monde n’est pas anodin. Doucement mais sûrement, la Chine se rapproche du Moyen-Orient et étend son influence dans la région. Après avoir investi le continent africain sur le terrain économique, les ambitions de Pékin pour le Golfe et au-delà vont encore plus loin. Il s’agit cette fois-ci de devenir un acteur incontournable, non seulement pour les échanges énergétiques et commerciaux, mais aussi dans le domaine géopolitique.

Plusieurs annonces ont été faites dès l’arrivée, mardi 19 janvier, de Xi Jinping à Riyad. La Chine et l'Arabie saoudite ont ainsi signé quatorze accords et mémorandums d'entente. Selon l’agence officielle saoudienne SPA, plusieurs d’entre eux portent sur la coopération économique et un sur l'établissement d'un mécanisme pour des consultations sur la lutte contre le terrorisme, ainsi qu'un autre sur la construction d'un réacteur nucléaire.

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La Chine et les monarchies pétrolières du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ont également annoncé, mercredi 20 janvier, qu'elles allaient accélérer leurs négociations pour la conclusion, avant la fin de l'année, d'un accord de libre-échange. En discussion depuis près de douze ans, cet accord pourrait bien voir le jour sous l’impulsion du président Xi, ce dernier ayant fait de son projet de Route maritime de la soie du XXIe siècle une priorité.

Car en plus d’être pour Pékin son principal fournisseur en pétrole et en gaz naturel, le Moyen-Orient représente un point d’ancrage de la stratégie chinoise consistant à créer un espace économique qui irait de la Chine à l’Afrique en passant par l’Inde et le Moyen-Orient.

Pragmatisme dans ses relations diplomatiques

"On n’a jamais vu autant de voyages à l’étranger d’un président chinois", souligne à France 24 Jean-Joseph Boillot, chercheur au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), spécialiste des grandes économies émergentes. "La crise économique en Chine est sérieuse. Elle a besoin d’un relais et la Chine a choisi les grands projets d’investissements, en particulier au Moyen-Orient qui est devenu aussi stratégique pour elle qu’il ne l’a été pour les États-Unis dans les années 1980."

Fidèle à son pragmatisme en matière de relations diplomatiques et économiques, Pékin jouit au Moyen-Orient d’une image positive. Respect de la souveraineté et non-ingérence dans les affaires intérieures constituent en effet les principes fondamentaux de la politique extérieure chinoise, ce qui n’est pas pour déplaire à des régimes qui ont par ailleurs l’habitude de subir des pressions occidentales. C’est d’ailleurs ce pragmatisme qui permet à Xi Jinping de démarrer sa semaine en Arabie saoudite avant de la finir en Iran, faisant fi de l’animosité réciproque que se vouent Riyad et Téhéran.

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"C’est l’obsession chinoise du 'win-win'", rappelle Jean-Joseph Boillot. "Dans son bras de fer avec les États-Unis, la Chine a besoin du Moyen-Orient pour son approvisionnement en énergie et ses investissements, mais des pays comme l’Arabie saoudite ou l’Égypte ont aussi besoin de la Chine pour cesser d’être éternellement sous influence américaine, explique le chercheur. Il y a un phénomène de revirement de ces pays qui n’hésitent plus à jouer la carte chinoise."

Cette nouvelle donne se vérifie dans les chiffres. Selon l’American Enterprise Institute, un think-tank américain, les investissements chinois en Égypte, par exemple, se sont élevés à 4,91 milliards de dollars entre 2006 et 2013, avant de bondir à 8,28 milliards de dollars entre 2013 et 2016. Les échanges entre la Chine et les monarchies du Golfe ont, quant à eux, atteint en 2014, selon l’agence officielle chinoise Xinhua, 69,1 milliards de dollars. Parmi ces échanges, le pétrole produit au Moyen-Orient a représenté 46 % des importations totales d’or noir en Chine et le gaz naturel liquéfié 41,7 %, selon la revue statistique de BP.

Le conflit israélo-palestinien résolu un jour à Pékin ?

"L’idée de la Chine, c’est aussi de faire que le yuan soit une monnaie de change, ajoute Jean-Joseph Boillot. Ses réserves de change ne sont pas illimitées. Or les principaux bailleurs de fonds se trouvent aujourd’hui au Moyen-Orient."

En ce sens, la création par Pékin, en juin 2015, de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures, perçue par Washington comme une volonté de remettre en cause le système de Bretton Woods, a notamment vu l’adhésion de l’Arabie saoudite, de l’Égypte, des Émirats arabes unis, de l’Iran, de la Jordanie, de Oman, du Qatar et de la Turquie.

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Ces liens importants, tissés depuis le début des années 2000 et dont le monde n’a pas encore pris toute la mesure, pourraient même bientôt s’exprimer dans le jeu politique. Lutte contre le terrorisme islamiste, conflit israélo-palestinien, tensions entre l’Arabie saoudite et l’Iran : la Chine veut devenir un acteur majeur de tous ces sujets.

"Plus rien ne se fait dans le monde sans que la Chine n’influence ou ne pèse sur les dossiers, affirme Jean-Joseph Boillot. On l’a notamment vu lors de la COP21. Ses relations privilégiées avec les pays du Moyen-Orient ont joué un rôle important et on peut tout à fait imaginer que, dans quelques années, la Chine accueille à Pékin des discussions de paix entre Israéliens et Palestiniens. La Chine s’inscrit désormais comme un des grands de cette région et oblige les États-Unis et les pays européens à lui reconnaître ce statut."