Pékin a ouvert une enquête, dimanche, contre Chang Xiaobing, le PDG de l'entreprise publique China Telecom. Le dirigeant est loin d'être la première victime de la lutte anti-corruption, procédé qui permet aussi de régler des comptes politiques.
Le patron de China Telecom, géant public des télécoms chinois, ne répond plus. Chang Xiaobing a disparu, dimanche 27 décembre, peu après l’annonce par Pékin de l’ouverture d’une enquête à son encontre.
Le PDG du troisième opérateur mobile en Chine risque gros. Depuis début 2014, plus de 70 cadres, dont 14 vice-présidents ou présidents d’entreprises publiques, ont été inquiétés par les autorités ou ont écopé de lourdes peines de prison pour corruption.
Cent mille officiels déjà dans le collimateur de Pékin
Car, officiellement, il s'agit de corruption. Le communiqué lapidaire du très puissant Comité central pour l'Inspection disciplinaire du Parti communiste chinois évoque des “soupçons de violations sérieuses des règles de discipline” qui pèse sur Chang Xiaobing. Cette formule signifie immanquablement qu’une enquête pour corruption a été ouverte et que le suspect va être exclu du Parti communiste chinois puis déféré devant le juge dans les mois qui suivent, note le “Financial Times”.
“Cette affaire rentre dans le cadre de la campagne de lutte contre la corruption engagé par Xi Jinping [président chinois, NDLR] fin 2012”, confirme Jean-François Dufour, spécialiste de l’économie chinoise et directeur de l’agence de conseil DCA Chine-Analyse. Cette vaste opération a permis de mettre en cause plus de 100 000 officiels du parti en plus de deux ans, rappelle le “Sydney Morning Herald”.
Le pouvoir s’en est d’abord pris aux personnels politiques en visant notamment les gouverneurs locaux et leur entourage. En 2014, le monde des affaires a senti, à son tour, le marteau et la faucille s’abattre sur lui. L’un de ses plus éminents représentants, l’ex-patron du géant public du pétrole PetroChina Jiang Jiemin, a ainsi été condamné à 16 ans de prison pour corruption en octobre 2015 après plus d’un an de procédure.
Lutte de pouvoir et mise au pas économique
La corruption n’est pas la seule raison de la mise à l’écart du patron de China Telecom, tout comme elle ne l’était pas non plus pour les autres cadres d’entreprises publiques. “Les luttes des factions au sein du régime chinois se ressentent aussi dans le monde économique”, assure Jean-François Dufour. Le très puissant Jiang Jiemin était ainsi un soutien revendiqué du “prince rouge” et opposant à Xi Jiping, Bo Xilai.
L’ampleur de cette opération de mise au pas des entreprises publiques démontrent “à quel point elles sont devenues des lieux de pouvoir”, soutient l’expert français. Le couperet de la lutte contre la corruption est tout d'abord tombé sur le secteur pétrolier, et ce n'est pas un hasard. Il est historiquement le plus important et les barons chinois de l’or noir se sont longtemps considérés comme intouchables.
Le pouvoir a ensuite été méthodique : il s’est attaqué à l’immobilier, puis à l’automobile avant de faire le ménage dans le secteur financier et bancaire à partir de l’été 2015. La chute de Chang Xiaobing indique que le gouvernement estime que les télécoms sont aussi devenus politiquement sensibles.
Le cas de China Telecom démontre également que Pékin n’hésite pas à brandir l’argument de la corruption pour mettre au pas ceux qui seraient tentés de s’opposer aux réformes économiques, juge Jean-François Dufour. Le pouvoir a, en effet, plusieurs fois évoqué l’opportunité de réduire le secteur des télécoms à un ou deux acteurs principaux et le patron de China Telecom “est celui qui a le plus de chance de s’être plaint de cette orientation”. Après tout, son groupe n’est que le troisième de la téléphonie et risquerait donc de disparaître en cas de concentration du secteur.
La campagne de lutte contre la corruption a donc bon dos en Chine, comme l’illustre le cas du patron de China Telecom. Elle permet à Pékin d’éviter la création de centres de pouvoir parallèle à même de contester la toute puissance de l’autorité centrale tout en s’assurant que les principaux rouages de l’économie soient parfaitement dans les clous idéologiques.