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Pour la Commission des lois, "l'efficacité de l'état d'urgence va aller décroissant"

La Commission des lois de l'Assemblée nationale a dressé, mercredi, un premier bilan de l'état d'urgence en France. Elle soulève des "interrogations manifestes" sur la "justification de certaines mesures individuelles ou générales".

La Commission des lois, présidée par le député socialiste Jean-Jacques Urvoas, a dressé, mercredi 16 décembre, un bilan de la sécurité en France depuis la mise en place de l’état d’urgence dans la foulée des attentats du 13 novembre.

Après deux semaines de contrôle des mesures dérogatoires, Jean-Jacques Urvoas a fait part de ses "interrogations manifestes" sur la "justification de certaines mesures individuelles ou générales". Et d'estimer : "Passé le premier mois et demi, l'efficacité de l'état d'urgence va aller décroissant".

Le président de la Commission des lois met en garde contre le risque de "routinisation de certaines mesures dérogatoires au droit commun", qui conduirait à la "rationalisation de l’exception et de ses usages". En un mois, le gouvernement a réalisé 87 perquisitions et 12 assignations à résidence en moyenne par jour.

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Et la Commission des lois de souligner l’importance pour le gouvernement de définir "la finalité et le périmètre" de l’état d’urgence, afin de savoir s’il doit "veiller au maintien de l’ordre public dans son ensemble ou être concentré sur la seule lutte contre le terrorisme". Cette réflexion fait notamment suite à l’utilisation des prérogatives de l’état d’urgence pour maintenir l’ordre pendant la COP21. Un militant écologiste, assigné à résidence pendant cette période, a d’ailleurs soulevé une question prioritaire de constitutionnalité sur le sujet devant le Conseil constitutionnel.

"Nous devrons compléter ou réécrire la loi sur l’état d’urgence"

Pour dresser ce bilan, Jean-Jacques Urvoas et le député républicain des Yvelines Jean-Frédéric Poisson se sont déplacés dans certaines communes. Ils rappellent que "dans l’immense majorité des cas, l’état d’urgence a une utilité dans la mesure où il permet d’opérer des choses que son absence ne permettrait pas".

Les deux députés évoquent aussi une "dynamique vertueuse" entre les préfets et les parquets dans le traitement des dossiers. Néanmoins, Jean-Jacques Urvoas souligne dans son bilan la nécessité de plusieurs "approfondissements sur la caractérisation d’un certain nombre de faits, voire sur la notion de comportement dangereux". "Nous serons peut-être en situation de devoir compléter ou réécrire la loi sur l’état d’urgence" a complété Frédéric Poisson.

La Commission des lois a rappelé plusieurs écueils dans le déroulement des opérations, citant notamment la Dordogne où "les mesures prises apparaissent manifestement disproportionnées" après la perquisition d’une ferme, ou le Val-de-Marne, où les policiers se sont trompés deux fois d’adresse lors de perquisitions.

Le Conseil d'État favorable à la révision de la Constitution

Jeudi 17 décembre, le Conseil d'État a rendu un avis favorable sur le projet du gouvernement d'inscrire l'état d'urgence dans la Constitution française. Protégé par le cadre constitutionnel, il ne pourra ainsi pas être modifié à l'avenir par une simple loi. Cependant, aucune durée n'est inscrite dans le texte : après 12 jours d'état d'urgence automatique, ce sera au Parlement de voter pour une durée adaptée aux circonstances.

Malgré le bilan mitigé de la Commission des lois sur les premières semaines d’état d’urgence, 57 % des Français estiment encore que les perquisitions administratives sont "plutôt efficaces", d’après un sondage mené par l’Ifop début décembre.

Avec AFP