Après la publication du rapport de la Commission sur le mauvais traitement des enfants amérindiens, inuits et métis dans des pensionnats au Canada, le Premier ministre a demandé pardon aux peuples autochtones. Un geste salué dans tout le pays.
C’est une cérémonie émouvante qui s’est déroulée mardi 15 décembre à Ottawa à l’occasion de la remise du rapport final de la Commission vérité et réconciliation sur le sort des enfants autochtones (amérindiens, métis et inuits) dans des pensionnats du Canada. Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a même essuyé des larmes en écoutant quelques témoignages parmi les 7 000 qui ont été recueillis pendant six ans dans plus de 300 communautés.
"Le gouvernement du Canada présente ses excuses les plus sincères aux peuples autochtones pour avoir si profondément manqué à son devoir envers eux, et leur demande pardon", a déclaré le chef du gouvernement. "Vous avez pendant trop longtemps porté sur vos épaules le fardeau de cette expérience. Ce fardeau nous appartient en tant que gouvernement et en tant que pays", a ajouté Justin Trudeau.
La réaction de Justin Trudeau sur son compte Twitter au sujet de la Commission de vérité et réconciliation
Des milliers de personnes ont partagé leurs histoires avec la CVR. Honoré de recevoir leur rapport aujourd'hui. pic.twitter.com/uqw82vNeEK
— Justin Trudeau (@JustinTrudeau) 15 Décembre 2015"L’enfer où on les enfermait"
De la fin du XIXe siècle aux années 70, plus de 150 000 enfants des "Premières Nations" ont ainsi été coupés de leurs familles et placés de force dans des institutions où les religieux avaient pour mission d’en faire de bons chrétiens. Ils y ont subi, pour nombre d’entre eux, des mauvais traitements ou des abus sexuels. Selon le rapport, 3 200 y ont perdu la vie et dans près de 50 % des cas, la cause du décès n’a pas été élucidée.
"Ils mouraient de la tuberculose ou d’autres maladies infectieuses qui se répandaient comme une traînée de poudre dans les dortoirs des pensionnats. Les autochtones devaient renoncer à parler leur langue. Des dizaines d’enfants sont morts, de froid, perdus ou noyés, en fuyant l’enfer où on les enfermait. Ceux qui ont survécu en sont sortis traumatisés", décrit le journal québécois "Le Devoir".
Selon le rapport, ces années de maltraitance ont notamment creusé le fossé entre les communautés autochtones, particulièrement frappées par la violence, le chômage, le suicide, les addictions, et le reste de la population. "Des écarts qui condamnent de nombreux autochtones à mener une existence plus brève, plus pauvre et plus perturbée", notent ainsi les trois commissaires du rapport.
Le gouvernement canadien n’a pas seulement décidé d'admettre ses erreurs, mais entend également suivre les 94 recommandations de la Commission. Cette dernière exhorte les autorités de mieux financer les systèmes d’éducation et de santé des communautés autochtones, d’adopter des lois sur leurs langues, de sensibiliser l’ensemble des Canadiens à ces enjeux ou encore de demander au pape de présenter au nom de l’Église catholique des excuses aux survivants.
La Commission somme également Ottawa d’adopter formellement la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Cette recommandation est déjà critiquée par les conservateurs du pays qui craignent que ce texte ne soit trop contraignant et vienne bouleverser le cadre juridique canadien et la Constitution.
"Marquer la fin de ce cycle"
Malgré ces quelques réticences, ce rapport a été plutôt bien accueilli dans l’ensemble du pays. "Ça fait plus de 100 ans que nous attendons ce moment", a expliqué le chef Kirby Whiteduck de la nation algonquine de Pikwakanagan, cité par "La Presse". "La souffrance s’est souvent transmise d’une génération à l’autre. Cette journée historique que nous vivons aujourd’hui doit marquer la fin de ce cycle", a estimé pour sa part Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières nations du Québec et du Labrador.
Le journal "Montreal Gazette" a de son côté souligné un "moment historique pour les relations entre le Canada et les autochtones". Selon ce journal, le pays "se tient à la croisée des chemins avec l’opportunité d’aborder les erreurs du passé et de s’engager vers un meilleur avenir". Un sentiment partagé par le "Toronto Star" qui estime que "les vérités sombres contenues dans ce rapport représentent une tache indélébile mais qu’elles vont aussi permettre de corriger une faute".
Le quotidien "Le Devoir" se félicite aussi de ce "travail titanesque", mais selon lui tout reste encore à faire. La tâche s’annonce importante pour Justin Trudeau qui a fait "des enjeux autochtones une priorité", mais il aura aussi besoin d’un élan général : "La volonté politique, on le sent, y est, mais pour réussir, il lui faudra une véritable volonté populaire".