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Les géants de l'or noir veulent se mettre au vert avant la COP21

Dix mastodontes du pétrole et du gaz naturel ont signé un document commun appelant à un accord ambitieux lors de la Conférence de Paris sur le climat. Ils se disent prêts à fournir des efforts supplémentaires mais restent flous sur leurs objectifs.

Les compagnies pétrolières sont bien décidées à ne pas passer pour les grands méchants de la COP21. À quelques semaines du début de la Conférence mondiale sur le climat, qui se tient à Paris, 10 géants du pétrole et du gaz ont signé, vendredi 16 octobre, une déclaration commune affirmant leur volonté "de contribuer à aboutir à un accord sur le réchauffement climatique".

Ces mastodontes des très polluantes énergies fossiles, dont le français Total, rappellent qu’ils ont déjà réduit de 20 % l’empreinte carbone de leurs opérations (extraction de pétrole et de gaz) grâce à des "innovations technologiques". Ils affirment même être décidés à en faire plus.

Plus de gaz naturel ?

Ces pétroliers affichent donc des idées bien précises pour réduire l’impact climatique de leurs activités. Ils se disent notamment prêts à mettre davantage de moyens pour améliorer les procédés de capture de carbone. Cette technologie permet de récupérer le CO2 avant qu’il ne s’évapore dans l’atmosphère et de l’enterrer sous terre. "L’avantage est évident pour les compagnies pétrolières qui peuvent ainsi continuer à exploiter les ressources fossiles sans empirer la situation", note Fanny Henriet, économiste spécialiste du changement climatique à l’École d’économie de Paris et au CNRS. Cette technologie n’est cependant pas encore mature et elle vise essentiellement les émissions industrielles. Le CO2 émis par les pots d’échappement des voitures est donc encore loin de pouvoir être mis sous le tapis.

L’autre piste suggérée par ces groupes est d'"augmenter la part du gaz naturel dans le mix énergétique". "C’est en effet une ressource moins polluante que le pétrole et moitié moins que le charbon et ces sociétés l’exploitent déjà", remarque cette spécialiste du changement climatique. Saudi Aramco, BP et les autres acceptent que les États fassent pression sur la filière pétrole, à condition de développer le recours au gaz naturel.

Cette stratégie a déjà rencontré un certain succès aux États-Unis. La première puissance mondiale "a réduit ses émissions de gaz à effet de serre notamment en substituant une partie du charbon utilisé par les centrales par du gaz naturel", souligne Fanny Henriet.

Pompiers ou pyromanes ?

Mais les pétroliers ne sont pas des nouveaux chevaliers verts de la protection de l'environnement. Ainsi, depuis que les États-Unis ont davantage recours au gaz naturel "leurs exportations de charbon ont augmenté", note l’économiste française. Cette ressource, boutée hors du territoire national, va donc polluer plus loin.

Mettre l’accent sur le gaz naturel est aussi une manière de ne pas évoquer les énergies renouvelables qui sont bien moins polluantes encore. Les 10 pétroliers n’ignorent pas totalement le sujet. Ils assurent tous investir dans ces énergies du futur. Mais bien trop peu pour vraiment faire la différence, d’après les associations de défense de l’environnement. En moyenne, ces géants consacrent entre 1 % et 2 % de leur budget de recherche et développement à l’éolien, le solaire ou encore la géothermie, selon le centre de réflexion américain "Carbon Tracker Initiative".

Surtout, aucun des objectifs affichés par ces géants n'est accompagné d'engagements chiffrés. Ce flou n’a pas échappé aux associations de défense de l’environnement. "Cette dernière intervention ne contient rien de sérieux qui contribuera significativement à la décarbonisation de l'économie mondiale", a déploré Charlie Kronick, responsable climat pour la branche britannique de l’ONG Greenpeace. "Les pyromanes ne sont pas de bons pompiers", a-t-il ajouté dans un communiqué.

Mise en garde

De leur côté, Shell, BP ou encore Saudi Aramco et Total assurent que les chiffres viendront plus tard. Les gouvernements doivent d'abord, estiment-ils, mettre en place un cadre législatif contraignant qui donnerait à ces pétroliers "les indications pour fournir les efforts nécessaires".

Cette mise au point fait aussi office de mise en garde aux participants de la COP21 : sans accord ambitieux à cette occasion, les géants du pétrole continueront à extraire des dizaines de millions de barils de pétrole par jour. D’autant qu’Amin H. Nasser, le patron du groupe saoudien Saudi Aramco, a précisé que l’extraction des précieuses ressources était "une bonne chose pour les pays en voie de développement" qui en tirent une substantielle manne financière.

En clair, ces rois de l’or noir veulent bien se parer d’habits plus verts mais, rappelle Fanny Henriet, "leur travail reste l’extraction et la revente de pétrole et de gaz naturel. Ce n’est pas à eux de prendre les initiatives à la place des États".