Washington et Paris ont remis en cause les cibles réelles des frappes russes menées mercredi en Syrie. Selon le Pentagone, la Russie a bombardé des zones où il n'y a "probablement" pas de forces de l’EI.
L'intervention militaire de l'aviation russe en Syrie, mercredi 30 septembre, suscite bien des doutes parmi les Occidentaux concernant les cibles réellement visées. Il n'aura pas fallu longtemps pour que la France, puis les États-Unis, émettent des réserves sur le choix des cibles choisies.
Il y a "des indications selon lesquelles les frappes russes n'ont pas visé Daech [autre nom de l'organisation de l'État islamique (EI)]", a déclaré à New York le chef de la diplomatie française Laurent Fabius, ajoutant qu'il "faudrait vérifier quels étaient les objectifs" des avions russes.
"Pas vu de frappes" contre l’EI
Même accusation à Washington de la part d'un responsable américain de la Défense : "Nous n'avons pas vu de frappes contre le groupe État islamique, nous avons vu des frappes contre l'opposition syrienne".
"Ce n'est pas sur Daech qu'ils (les Russes) ont frappé, c'est sans doute sur les groupes d'opposition, ce qui confirme qu'ils sont davantage dans le soutien au régime de Bachar al-Assad que dans la lutte contre Daech", a également affirmé une source diplomatique française sous couvert d'anonymat.
Le secrétaire d'État John Kerry a affirmé que Washington était disposé à accueillir favorablement les bombardements russes s'ils visaient "réellement" l'EI, tout en considérant que l'organisation jihadiste ne pouvait être vaincue si Bachar al-Assad restait au pouvoir.
Des "frappes de précision" pour Moscou
Pour sa part, l'aviation russe affirme avoir procédé à des "frappes de précision", détruisant notamment des "équipements militaires", des moyens de communication et des "stocks d'armes et de munitions" de l'EI.
La télévision officielle syrienne a confirmé que les frappes russes avaient eu lieu dans les provinces de Hama (nord-ouest) et Homs (centre), tandis que l'armée syrienne a mené un raid dans la région de Lattaquié (nord-ouest).
Pour le politologue libanais Zyad Majed, "les Russes ont choisi ces régions parce que ce sont des régions où le régime de Bachar a subi des défaites". Et d’ajouter, "Daech n'a aucune présence à Lattaquié et Hama, et a une présence limitée à Homs. Manifestement, les Russes ciblent plus Jaish al-Fatah (l'Armée de la conquête, une coalition d'islamistes, NDLR) et des zones de l'Armée syrienne libre que Daech".
L'accélération de l'engagement de Moscou s'inscrit sur fond de bras de fer entre le président américain Barack Obama et son homologue russe Vladimir Poutine sur le sort à réserver à Bachar al-Assad, "tyran" pour l'un et rempart contre l'EI pour l'autre.
La Russie intervient aussi loin de son territoire pour la première fois depuis 36 ans : en 1979, il s'agissait pour les troupes soviétiques d'envahir l'Afghanistan. Elle rappelle ainsi qu'elle est un soutien indéfectible au président syrien, toujours au pouvoir après plus de quatre ans d'une guerre qui a fait plus de 240 000 morts.
Avec AFP