
Sous l'impulsion des États-Unis, une cinquantaine de pays ont promis de fournir 40 000 casques bleus supplémentaires. Quel est l'état de cette armée de 124 000 "soldats de la paix", accablés tant par les missions que par les accusations d'abus ?
Envoyée pour la première fois en 1948 pour superviser la trêve de la guerre arabo-israélienne, la force de maintien de la paix de l'ONU est devenue depuis une armée de près de124 000 soldats, policiers et agents chargés de veiller à la sécurité internationale. Une force conséquente mais insuffisante. Barack Obama a convoqué un sommet en marge de l’Assemblée générale des Nations unies à New York pour renforcer les missions des casques bleus dans le monde. Résultat : 40 000 soldats supplémentaires viendront grossir les rangs de la force onusienne. Où et pourquoi ? Le point sur l’état de cette "armée de la paix".
- Quels sont les effectifs des casques bleus ?
Durant les quinze dernières années, le nombre de casques bleus a bondi de 20 000 à plus de 123 500 hommes (dont 104 668 soldats et policiers, 17 092 civils et 1800 volontaires). Les forces de l'ONU représentent désormais la deuxième armée déployée au monde derrière celle des États-Unis. Mais selon Barack Obama, ce réseau "n'arrive plus à répondre à la demande croissante" due à la multiplication des conflits en Afrique.
- D’où viennent-ils?
Selon l’ONU, 122 États membres contribuent au personnel en uniforme (militaires et police). Mais il y a un fort déséquilibre entre les pays riches et les pays en développement. Depuis l'échec de l'action des casques bleus au Rwanda et en Yougoslavie dans les années 1990, les pays riches rechignent à envoyer des troupes sur le terrain.
Une dizaine de pays émergents assurent ainsi l'essentiel des effectifs. Les plus forts contingents sont fournis par l’Inde, le Bangladesh, le Pakistan ou l'Éthiopie qui fournissent 8 000 à 10 000 hommes chacun. Par comparaison, il y a 289 Casques bleus britanniques, 909 Français et seulement 78 Américains.
- Où sont-ils déployés ?
Plus de 118 000 militaires, policiers et personnel civil, sont déployés sur 16 opérations de maintien de la paix. Les plus gros contingents se trouvent en Afrique (Mali, Soudan du Sud, Centrafrique, RD Congo).
- Quelles sont leurs missions ?
Avec la multiplication des théâtres et de la demande, la nature des missions ont changé. De simples forces d'interposition, les soldats de l'ONU sont devenus des hommes à tout faire : assurer la sécurité, protéger des millions de civils, reconstruire l'État de droit, soutenir les processus politiques, contribuer au respect des droits de l'Homme, garantir l'assistance économique et humanitaire.
- Quel est le budget des opérations ?
Le budget total des opérations de maintien de la paix est passé en quinze ans de 840 millions à 8,3 milliards de dollars. Les États-Unis sont le principal bailleur de fonds du maintien de la paix, avec 28 % du budget annuel.
- Quels sont les risques ?
Les soldats de la paix sont vulnérables aux attaques et attentats : à la veille du sommet à New York, un casque bleu sud-africain a été tué dans la province soudanaise du Darfour. La mission au Mali (Minusma) est par ailleurs l'une des plus meurtrières de l'histoire de l'ONU, avec 60 morts depuis son déploiement. En 2013, 106 casques bleus ont perdu la vie en servant sous le drapeau des Nations unies.
- Les Casques bleus, irréprochables?
Exploitation, abus sexuels, inflation de la prostitution… En Côte d’Ivoire, comme au Liberia, en RD Congo, au Mali ou en Centrafrique, les accusations se sont multipliées ces dernières années.
Cet été, des soldats de la Minusca (Centrafrique) ont été mis en cause dans plusieurs cas de viols, notamment à l’encontre d’une fillette de 12 ans, et accusés de "deux homicides aveugles" par l’ONG Amnesty International. En 2013, une femme portait plainte contre des casques bleus tchadiens déployés au Mali. En 2010, un câble diplomatique émergeait sur le site WikiLeaks, révélant que des soldats béninois étaient soupçonnés de dérapage à caractère sexuel en Côte d’Ivoire.
Depuis 2003, l’ONU applique une politique de "tolérance zéro" en cas d’exploitation et d’abus sexuels. Les mesures disciplinaires restent toutefois plus faciles à prendre à l’égard du personnel civil, qui dépend des Nations unies, qu’à l’encontre de soldats relevant d’un État. Pour les responsables américains, renforcer les missions de l'ONU doit permettre aussi de mieux lutter contre les abus sexuels.
- Qu’est ce qui va changer ?
La Chine a promis 8 000 policiers, la Colombie, 5 000 Casques bleus. L’Europe s’est montrée plus frileuse. Le Royaume-Uni va envoyer quelques centaines de soldats en Somalie et au Sud-Soudan. Les Pays-Bas ont prolongé d’un an leur participation à la Minusma et accru leur financement. S’ajouteront aux troupes des unités médicales ou du génie, des experts en déminage, des hélicoptères, dont certaines missions manquent cruellement, ou des drones. Le Rwanda a offert deux hélicoptères d’attaque, une unité de policiers et 1 600 soldats.
Avec AFP