La Norvège a décidé de verser au Brésil la dernière tranche d'une récompense d'un milliard de dollars pour avoir préservé sa forêt tropicale. Une aide qui arrive à point mal nommé : la déforestation a repris de plus belle en Amazonie.
Un gros chèque attend le Brésil à la conférence parisienne sur le climat fin novembre. La Norvège a décidé, mercredi 16 septembre, de lui verser 100 millions de dollars à l’occasion de la COP21 pour récompenser les efforts fournis par Brasilia dans la lutte contre la déforestation. Cette somme porte à un milliard la somme versée par le petit État nordique au vaste pays sud-américain depuis 2008.
La Norvège avait alors décidé de puiser une fraction des profits générés par sa manne pétrolière pour aider le Brésil à protéger davantage sa forêt, considérée comme le poumon du monde. Mais l’argent, un milliard de dollars entre 2008 et 2015, ne serait versé que si le Brésil prouvait que la déforestation ralentissait.
"Sucess story" brésilienne
Huit ans plus tard, le Brésil est considéré comme une "success story" de la lutte contre le pillage de la forêt amazonienne. Le rythme de la déforestation y a été réduit de 70 %, d’après les données officielles des autorités brésiliennes. Il a été l’un des seuls pays à mettre en place un programme national de suivi de la déforestation, accessible à tous en ligne. Les autorités ont aussi mené des politiques d’éducation du public, voté des lois de protection des forêts et ont puni financièrement les entreprises qui empiétaient sur la forêt tropicale, rappelle le site économique Quartz.
Dans la région, le pays "fait figure d’exception, car l’Équateur a mené des politiques pro-pétrolières qui ont nui à sa forêt tropicale, tandis que la Colombie n’a pas fait grand chose contre la déforestation", constate Jérôme Chave, spécialiste des forêts tropicales et directeur de recherche au CNRS au laboratoire d'évolution et diversité biologique. Une réussite d’autant plus importante que le Brésil abrite 85 % de la forêt amazonienne.
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Il ne faut pas pour autant faire de la Norvège le grand sauveur du poumon de la planète. "Il est difficile d’évaluer l’impact réel de cet argent versé sur les choix brésiliens", souligne Klaus Schenck, spécialiste des questions sud-américaines à l’ONG Sauvons la forêt. Le président brésilien de l’époque, Luis Ignacio Lula da Silva, n’avait pas attendu Oslo pour s’occuper de ce problème. Il avait lancé, début 2008, un grand fond de préservation de la forêt et poussait depuis plusieurs années le législateur à adopter des lois très strictes pour encadrer l’exploitation des ressources forestières.
Les lobbies contre-attaquent
Le Brésil a aussi revêtu le costume de sauveur des arbres parce qu’il pouvait se le permettre. "Il a mieux résisté à la crise de 2008 que ses voisins qui pour faire face au ralentissement économique ont cherché à profiter de toutes leurs ressources naturelles, y compris forestières", rappelle Jérôme Chave. Oslo a, en réalité, promis de l’argent à un pays qui n’avait pas vraiment besoin d’incitation pour se convertir à la cause environnementale.
En outre, le choix de la Norvège de verser les derniers millions de son aide financière en 2015 arrive à un point mal nommé. Depuis 2014, la tendance s'inverse et la déforestation reprend de plus belle au Brésil. Son rythme a augmenté de 63 % sur un an, a reconnu le gouvernement en mars 2015. "Les lobbies agraire et minier ont aussi remporté des victoires au Parlement”, regrette Klaus Schenk. Le code forestier a ainsi été amendé pour rendre plus facile l’exploitation des forêts.
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Le Brésil semble baisser quelque peu les bras face à l’offensive de l’industrie agraire. Jérôme Chave y voit une conséquence de la crise économique qui a rattrapé le pays. Klaus Schenck est d’accord pour affirmer que les "difficultés économiques ne vont pas inciter le gouvernement à rester ferme sur la question de la déforestation".
Mais le ralentissement économique pourrait aussi jouer en faveur des forêts tropicales, estime Klaus Schenk. Il s’accompagne d’une baisse générale des prix des matières premières et denrées alimentaires, dont une partie, comme le caoutchouc ou le soja, est récoltée aux dépens de la forêt tropicale. Les acteurs de ce secteur sont donc moins incités à établir de nouvelles exploitations qui réduiraient encore davantage la surface forestière.