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Le Parlement guatémaltèque a levé, mardi, l'immunité du président Otto Pérez. Une décision historique qui survient dans un climat de contestation populaire et à quelques jours d'élections générales qui s'annoncent tendues.

La décision est historique et ravit le peuple. Le président du Guatemala, Otto Pérez, accusé de corruption et poussé de tous bords à la démission, a été privé, mardi 1er septembre, de son immunité. Une décision prise à l'unanimité par le Parlement dans un climat de protestation populaire inédit dans le pays.

Le général en retraite de 64 ans, au pouvoir depuis 2012, est accusé par le parquet et une commission de l'ONU contre l'impunité (Cicig) d'avoir dirigé un système de corruption au sein des douanes, via lequel des fonctionnaires touchaient des pots-de-vin pour exonérer de taxes certaines importations. Son ancienne vice-présidente Roxana Baldetti est, elle, déjà en détention provisoire dans ce dossier.

Mi-août, une précédente demande de levée d'immunité, avant les accusations du parquet et de la Cicig, avait échoué, ne remportant pas le nombre de votes nécessaires. Mais face à la colère grandissante de la population, les parlementaires, qui sont nombreux à jouer leur siège lors des élections générales prévues dimanche, ont cette fois appuyé la procédure.

Les Guatémaltèques en liesse

Juste après l’annonce, des centaines d'habitants ont accouru spontanément devant le Parlement. Aux sons de trompettes et de pétards, les manifestants, à la fois heureux et émus, ont ensuite rejoint la place centrale de la ville de Guatemala, où ils étaient plus d'un millier en début de soirée, malgré l'intense pluie tropicale.

Cette annonce a eu lieu, alors que le pays centraméricain vit un moment de mobilisation populaire sans précédent. Des manifestations pacifiques sont organisées chaque semaine depuis avril, date à laquelle avait été révélé ce scandale de corruption.

"Le peuple du Guatemala, après quatre mois de lutte, retrouve l'espoir et voit que le Parlement réagit enfin et ouvre la voie à une procédure contre un président qui n'a pas su écouter le peuple guatémaltèque", s'est réjoui Mario Taracena, député social-démocrate.

Un problème de corruption endémique

C'est la première fois dans l'histoire du Guatemala qu'un président perd sa protection judiciaire, ouvrant la voie à des poursuites à son encontre. Otto Pérez, en poste jusqu’à janvier 2016, pourra toutefois conserver la présidence pendant les poursuites, sauf si un juge décrète son placement en détention provisoire. La justice guatémaltèque lui a par ailleurs interdit dès mardi soir de quitter le pays.

"Il existe toujours le risque et la possibilité qu'il puisse abandonner le pays", a expliqué la procureure générale Thelma Aldana à une chaîne de télévision locale, soulignant que Otto Pérez est désormais "un citoyen ordinaire pour le système judiciaire, même s'il continue d'exercer comme président". Le porte-parole du chef d'État, Jorge Ortega, a de nouveau nié mardi qu'il démissionnerait, malgré les nombreux appels en ce sens d'institutions publiques dont la Cour des comptes, ainsi que du patronat.

La levée de son immunité intervient à quelques jours seulement des élections générales prévues dimanche même si le peuple demande leur report, souhaitant d'abord une vaste refonte du système politique pour le purger de la corruption endémique. Le scandale de corruption a en effet accaparé la campagne électorale, contrairement aux précédentes plus centrées sur la violence, qui fait chaque année 6 000 morts, en majorité liées au crime organisé, dans un pays de 15,8 millions d'habitants miné par le trafic de drogue et la pauvreté.

Avec AFP