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Jusque là en désaccord sur le sort de Bachar al-Assad, Occidentaux et Russes ont réussi à s'entendre à l'ONU sur le dossier syrien, une première depuis 2013. Ils sont d'accord pour se concentrer sur un ennemi commun : le groupe État islamique.

Affichant une unité qui faisait jusque là défaut aux Nations unies sur ce dossier, la déclaration du Conseil de sécurité de l'ONU sur la Syrie du 17 août a été accueillie par les diplomates occidentaux comme une véritable avancée.

L'organisme le plus puissant de l'ONU a appelé à une transition politique "menée par la Syrie", sans pour autant demander le départ du président Bachar al-Assad. Malgré des divisions internes profondes, les Nations unies ont suivi le plan élaboré par leur médiateur dans le pays Staffan de Mistura, suggérant la mise en place de quatre groupes de travail sur les affaires sécuritaires, les questions politiques et légales, les services publics ainsi que la reconstruction.

Au premier abord, la prise de position du Conseil de sécurité semble être un compromis équilibré : la Russie n'a pas mis son veto à un texte réclamant une "transition politique" en Syrie, et les Occidentaux ont reconnu la nécessité de lutter contre les groupes terroristes opposés à Assad. Mais selon les analystes, un examen plus approfondi révèle que Moscou a su faire pencher la balance en sa faveur sur deux éléments clés.

Pas de condamnation des exactions des forces pro-Assad

Tout d'abord, la question de la "lutte contre le terrorisme", selon le terme utilisé par Moscou et Damas pour décrire le conflit depuis son déclenchement, a été mise au même niveau que la nécessité d'une transition politique. "Le problème, c'est que cela donne la même importance à la transition politique qu'aux autres points, alors que pour nous la transition est une priorité", a déploré auprès de l'AFP Samir Nachar, l'un des dirigeants de la Coalition de l'opposition syrienne.

Ensuite, la condamnation des violences contre les civils est limitée aux attaques des forces anti-Assad, à savoir les groupes affiliés à Al-Qaïda et l'organisation de l'État islamique (EI). Le Conseil de sécurité s'est ainsi dit "vivement préoccupé" par les actions terroristes perpétrées par l'EI et le Front al-Nosra, sans pour autant mentionner des crimes similaires commis par les milices pro-Assad. La déclaration du Conseil de sécurité ne condamne pas non plus le recours régulier aux bombes baril par l'armée de l'air syrienne, notamment lors d'une attaque qui a tué près d'une centaine de personnes dimanche à Douma, un fief rebelle près de Damas.

Offensive diplomatique de Moscou

Les Occidentaux semblent donc avoir cédé à la demande de Moscou de faire de la lutte contre l'EI la priorité, estime Raghida Dergham, éditorialiste du service international du quotidien arabophone "Al-Hayat", basé à Londres. "La position des dirigeants russes reste la même. [Le chef de la diplomatie russe Sergueï] Lavrov l'a exprimé clairement lundi, quand il a dit que Moscou n'accepterait pas le départ d'Assad [...] À cause des pertes du régime, les grandes puissances ont désormais trouvé un dénominateur commun : combattre le terrorisme. C'est quelque chose que les Russes voulaient depuis le début", a expliqué Raghida Dergham à France 24.

La Russie a entamé il y a quelques semaines une offensive diplomatique de grande ampleur : elle a accueilli des pourparlers avec les ennemis de Bachar al-Assad, dont des représentants de l'opposition syrienne et le chef de la diplomatie saoudienne Adel al-Jubeir. Sergueï Lavrov a aussi reçu lundi à Moscou son homologue iranien, Mohammed Javad Zarif, alors que Téhéran apporte aussi un soutien indéfectible au régime de Damas.

Cette nouvelle unité affichée au sien du Conseil de sécurité de l'ONU sur le conflit syrien intervient alors que les forces d'Assad perdent du terrain face aux groupes islamistes en Syrie. Le régime de Damas contrôlerait actuellement moins de la moitié du pays, malgré l'aide militaire apportée par l'Iran et la milice chiite libanaise du Hezbollah.