
L'affiche d'une femme voilée à Strasbourg a été dénoncée comme une atteinte à la laïcité par plusieurs comptes. Elle s'inscrit dans une campagne plus large mettant en avant d'autres profils de personnes âgées. © France 24
"Une ville qui tourne le dos à la laïcité" et "une propagande islamiste" : c’est en ces termes qu’Emmanuelle Brisson, militante du parti Les Républicains et ex-candidate aux élections législatives, a dénoncé samedi 27 septembre sur X une affiche, visible dans les rues de Strasbourg, montrant le portrait d’une femme voilée. Sa publication, vue plus de deux millions de fois, comprend le hashtag "Strasbourgistan", repris par d’autres comptes, certains clairement marqués à droite et à l’extrême droite, sur X et sur Facebook, pour critiquer la mise en avant de cette femme musulmane, identifiée sur l’affiche comme "Nacera, 66 ans".

Parmi les militants d'extrême droite, l'affiche a notamment été relayée par Alice Cordier, directrice du collectif Nemesis, qui se présente comme "protecteur des femmes" et connu pour ses positions antimigrants.
Sept autres affiches
Sur l’affiche, on peut lire le slogan "Strasbourg, la douceur de ville", une opération de communication de la municipalité alsacienne en vue de la Journée internationale des personnes âgées, le 1er octobre. La ville dit souhaiter obtenir le label "ami des aînés" initié par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ce label récompense les villes qui "s’engagent à prendre en compte l’expérience des habitants âgés pour améliorer leur qualité de vie au quotidien", explique le site gouvernemental français Pour les personnes âgées. L’attribution de ce label à une ville ne lui donne pas de financements automatiques.
En faisant des recherches sur les réseaux sociaux avec les termes "Strasbourg, la douceur de ville", on trouve un visuel, notamment relayé par des adjoints à la mairie de Strasbourg, qui rassemble plusieurs autres affiches de la même campagne. Sur le même modèle que l’affiche polémique, sept autres "aînés" strasbourgeois y sont visibles, présentés avec leurs prénoms : Danièle, Oogesh, Jean-Pierre, Monique, Pierre, Aline et Nadia. Aucun n’affiche de signe susceptible de le rattacher à une religion.

Les publications comme celle d'Emmanuelle Brisson, qui critiquait l’affiche de Nacera, ne mentionnent pas l’existence de ces autres affiches. Elles apparaissent dès lors comme trompeuses, ne permettant pas d’évaluer le contexte dans lequel cette affiche a été disposée à travers la ville de Strasbourg.
Polémiques… au sein de la gauche strasbourgeoise
La majorité municipale à Strasbourg est composée de plusieurs partis, parmi lesquels Europe Écologie-Les Verts, dont est issue la maire depuis 2020, Jeanne Barseghian.
Si la polémique a commencé à droite et à l’extrême droite, elle a également secoué la gauche strasbourgeoise, dont une partie ne soutient pas la majorité municipale. Une élue socialiste strasbourgeoise, Pernelle Richardot, a ainsi critiqué dimanche "le prosélytisme de la municipalité Barseghian", jugeant qu’elle utilisait les musulmans "comme d'une marchandise électorale", alors que des élections municipales sont prévues en mars prochain en France.
La majorité municipale a répliqué. Comme le note le quotidien régional Les Dernières Nouvelles d’Alsace, Floriane Varieras, adjointe chargée de la ville inclusive, a souligné que l‘affiche et la campagne visaient "à mettre à l’honneur les Strasbourgeois et Strasbourgeoises ayant participé à des séminaires et réunions de travail". De son côté, le premier adjoint à la mairie de Strasbourg, Syamak Agha Babaei, relayant l’ensemble des affiches de la campagne "La douceur de ville", a défendu "des femmes comme Nacera", qui "ont gardé nos enfants, nettoyé nos écoles, accompagné nos aîné·es, souvent loin de leur pays d’origine, parfois sans les mots de notre langue – mais avec la force tranquille de celles qui tiennent la société debout".
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Accepter Gérer mes choixSelon le journal télévisé de France 2 (reportage à 17’30 ici), Nacera dit ne pas avoir été prévenue que son portrait serait affiché en ville, ce que conteste la mairie. Contactée par France 24, la ville de Strasbourg n’avait pas répondu à nos questions au moment de la publication de cet article.