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La Suisse cesse de représenter les États-Unis à Cuba

La Suisse, qui représentait les intérêts des États-Unis à Cuba depuis 1961, cessera de jouer ce rôle de relais diplomatique sur l’île avec la réouverture officielle vendredi de l’ambassade américaine à La Havane.

Au nom du principe de neutralité permanente, la Suisse a joué les intermédiaires entre les États-Unis et Cuba, au cours des 54 ans qu’aura duré le froid diplomatique entre les deux pays. Depuis 1961, Berne représentait les intérêts américains sur l’île, et ceux des Cubains aux États-Unis. C'en est désormais fini : les États-Unis rouvrent officiellement leur ambassade sur l’île vendredi 14 août.

Le chef de la diplomatie helvète Didier Burkhalter a été invité à assister à la cérémonie par son homologue américain John Kerry. Au cours de cette célébration historique, le secrétaire d'État doit hisser le drapeau américain sur la nouvelle ambassade des États-Unis. À Washington, le drapeau cubain flotte depuis le 20 juillet sur la nouvelle ambassade cubaine.

L'ambassadeur suisse à Washington, Martin Dahinden, a même retiré lui-même et en toute discrétion la plaque indiquant que son pays représentait les intérêts de Cuba aux États-Unis.

#MartinDahinden removing the plate which stated that #switzerland carries out the power mandate for #USCuba #historic pic.twitter.com/kwQPsvlmL8

— Tiago Pires (@PiresTiagoB) 21 Juillet 2015

"La Suisse continuera de mettre ses bons offices à disposition durant le processus de normalisation des relations entre Cuba et les États-Unis, si cela est souhaité", a indiqué Pierre-Alain Eltschinger, porte-parole suisse du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) dans le quotidien suisse "Le Courrier".

Mais comment la Suisse en est-elle venue à faire office d’intermédiaire entre les deux nations ? En 1961, lorsque le président américain Dwight Eisenhower a rompu tout lien avec l’île, il a demandé à la Suisse d’assurer la représentation de son pays sur place. Ce fut une surprise pour le petit pays européen, révèlent des documents historiques cités par le site cubain 14ymedio. Le pays a pourtant une très longue tradition de neutralité diplomatique et de protection des représentations des pays étrangers.

À Cuba, la représentation helvétique s’est ainsi chargée des activités consulaires des États-Unis, allant de la réception des demandes de passeport, à la prise en charge des ressortissants américains, en passant par le maintien d’un maigre dialogue entre les États-Unis et Cuba. Le photographe suisse Luc Chessex, qui a longtemps vécu à Cuba, raconte ainsi dans le magazine "L’illustré " que l’ambassadeur suisse Emil Stadelhofer était très apprécié par Fidel Castro.

Les diplomates helvètes n’ont pas eu des missions de tout repos dans l'île. Durant la célèbre crise des missiles, en 1962, ils ont eu fort à faire et ont endossé le rôle de médiateur entre les deux parties. C’est l’ambassadeur suisse de l’époque, Emil Stadelhofer qui a ainsi arraché à La Havane l’autorisation de survol du territoire cubain par les avions américains après ce bras de fer diplomatique.

Plus tard, en 1964, c'est ce même diplomate qui a empêché la nationalisation de l'ancienne ambassade américaine, située sur le célèbre Malecon, à La Havane, et sa transformation en ministère de la Pêche, selon le souhait de Fidel Castro... "Stadelhofer a tracé une ligne rouge. S'il n'avait pas été au bon endroit au bon moment, les choses auraient été différentes", a estimé l'ambassadeur suisse aux États-Unis Martin Dahinden.

En 1977, Berne a accompagné l’ouverture par les deux États ennemis de "sections de défense des intérêts" rattachées aux ambassades de Suisse. Des diplomates américains pouvaient ainsi travailler à La Havane et leurs homologues cubains à Washington… Depuis lors, le mandat suisse a été principalement de nature formelle, explique le journal suisse "Le Matin".

Aujourd’hui encore, fidèle à sa tradition, la Suisse est en charge de la représentation des États-Unis en Iran, de la Géorgie en Russie, de la Russie en Iran et de l’Iran en Égypte.