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Le sultanat d'Oman confirme son rôle de médiateur au Moyen-Orient

Le sultanat d'Oman a contribué à la libération d'Isabelle Prime, ex-otage française au Yémen. Ce n'est pas la première fois que ce petit pays du Golfe œuvre dans l'ombre. Cultivant la neutralité, il est devenu un intermédiaire recherché.

Fait peu habituel, le sultanat d’Oman est au cœur de l’actualité vendredi 7 août. En annonçant la libération d’Isabelle Prime, l’ex-otage française au Yémen dans la nuit de jeudi à vendredi, le président français François Hollande a ainsi exprimé "toute sa gratitude à tous ceux qui ont œuvré à cette solution, et notamment au Sultan Qabous". Les autorités omanaises ont en effet servi d’intermédiaire dans la libération de la jeune femme, âgée de 30 ans et retenue en otage au Yémen depuis le 24 février dernier.

Ce n’est toutefois pas la première fois que ce petit pays du Golfe œuvre dans l’ombre. Déjà fin 2011, Paris avait remercié Oman après la libération de trois humanitaires français au Yémen. "Depuis plusieurs années, le sultan d’Oman est devenu un intermédiaire de paix très recherché", explique à France 24 Hasni Abidi, politologue, spécialiste du monde arabe et directeur du Centre d’études et de recherches sur le monde arabe et la Méditerranée (Cermam).

La neutralité, maître mot de la diplomatie omanaise

Le sultanat cherche à préserver une certaine neutralité : il entretient de bonnes relations avec les deux grands rivaux de la région. D'un côté, l'Arabie saoudite, son puissant voisin sunnite. Et ce même si Oman est la seule des six monarchies du Golfe à ne pas participer aux raids qu'une coalition arabe dirigée par Riyad mène depuis fin mars au Yémen, contre les Houthis, insurgés chiites soutenus par Téhéran.

D’un autre côté, Oman a est proche l’Iran chiite, avec lequel il partage la gestion du canal d’Ormuz. Ses liens avec Téhéran ont fait du sultanat un intermédiaire important avec les États-Unis. Oman a œuvré en 2009 à la libération de trois randonneurs Américains arrêtés par l’Iran puis, en 2012, à celle d’une Iranienne détenue aux États-Unis. Et c’est également à Oman que se sont tenues dès 2013 des rencontres secrètes entre des émissaires iraniens et américains, premiers pas vers l’accord historique conclu le mois dernier sur le programme nucléaire de Téhéran.

Grâce à cette position, le sultanat d'Oman garde des contacts avec toutes les parties en conflit au Yémen, son voisin de l'ouest. "C’est le sultan d’Oman en personne qui a convaincu les Houthis de participer à la conférence sur le Yémen qui s’est tenue à Genève", rappelle Hasni Abidi. "C'est une politique menée depuis toujours par les Omanais. Pendant la guerre civile yéménite en 1994, Mascate a donné l'asile aux dirigeants sudistes qui ont tenté de se séparer du Nord, tout en gardant de bonnes relations avec le pouvoir nordiste incarné alors par l'ex-président Saleh", rappelle un responsable yéménite, cité par l’AFP.

Les ibadites, une branche de l’islam distincte du chiisme et du sunnisme

La Syrie illustre cette politique. Mascate n'a pas rompu avec le régime du président Bachar al-Assad contrairement à ses partenaires arabes du Golfe. Oman ne fait pas partie non plus de la coalition engagée dans des frappes contre le groupe État islamique (EI) à laquelle participent ses voisins arabes. Le chef de la diplomatie syrienne Walid Mouallem se trouvait d’ailleurs à Mascate jeudi pour s’entretenir avec son homologue omanais. Il s’agissait de la première visite du ministre syrien dans un pays du Golfe depuis le début du conflit en mars 2011.

Oman semble ainsi faire figure d’exception dans le Golfe, mais aussi parmi les pays arabes. Comment l’expliquer ? Une hypothèse peut venir d’une singularité du pays en matière de religion : les Omanais sont en grande majorité des ibadites. L’ibadisme est un courant de l’islam distinct du sunnisme et du chiisme, ce qui explique que le sultanat s’est toujours préservé du conflit entre sunnites et chiites qui sous-tend la plupart des rapports de forces dans la région.

Comptant une minorité de sunnites estimée à 15 % de la population environ, Oman, qui se targue d’une cohabitation harmonieuse, cherche toutefois également à se préserver contre une éventuelle révolte interne. Une raison de plus pour les autorités du pays de ne pas prendre parti dans les conflits régionaux.