
Deux semaines après la réélection contestée de Pierre Nkurunziza, le Burundi continue de faire face à une flambée de violences meurtrières. Quatre personnes ont été tuées dans la nuit de mercredi à jeudi à Bujumbura, la capitale.
Dans la nuit du mercredi 5 au jeudi 6 août, quatre personnes ont été tuées à Bujumbura, au Burundi. Deux hommes non identifiés ont été découverts à Buterere, quartier où se trouve notamment l'aéroport international, les mains liées derrière le dos et portant des traces de torture. Deux autres personnes, un adolescent et son oncle, ont été tuées lors d'un affrontement avec une patrouille mixte police/armée à Cibitoke, a indiqué à l'AFP le porte-parole de la police burundaise, Pierre Nkurikiye. Concernant ce dernier incident, certains témoins, cités par des médias burundais, parlent d’une "exécution" de la police.
Deux semaines après la réélection controversée de Pierre Nkurunziza, le Burundi ne cesse donc pas de s’enfoncer dans la violence. Dimanche 2 août, le général Adolphe Nshimirimana, homme fort du système sécuritaire burundais, a été assassiné. Le même jour, le correspondant de RFI au Burundi, Esdras Ndikumana, journaliste respecté dans le pays, a été arrêté par les membres du service de renseignement (SNR) et violemment passé à tabac pendant deux heures avant d'être libéré. Le lendemain, Pierre-Claver Mbonimpa, opposant au chef de l’État et grande figure des droits de l’Homme, a été blessé par balles alors qu’il rentrait chez lui.
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L'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW) a dénoncé cette ambiance délétère. Elle s'est également offusquée des arrestations arbitraires de présumés opposants et des mauvais traitements infligés par des membres du SNR, des policiers et des membres de la Ligue de jeunesse du CNDD-FDD au pouvoir, les Imbonerakure.
"Les Imbonerakure n'ont aucun pouvoir légal d'arrêter qui que ce soit, pourtant ils arrêtent des gens arbitrairement, les battent et les remettent aux services de renseignement, qui torturent certains", a dénoncé Daniel Bekele, directeur Afrique de l'organisation. Le SNR "agit comme s'il bénéficiait d'une totale impunité", a souligné Daniel Bekele, et "les gens au pouvoir ont instrumentalisé politiquement le système judiciaire, le transformant en arme contre l'opposition".
Les forces de sécurité divisées
Pierre Nkurikiye, le porte-parole de la police burundaise, a appelé les forces de l'ordre à la vigilance, notamment vis-à-vis d'hommes en uniformes, "car le groupe de criminels qui font ces attaques ciblées portent souvent des uniformes des forces de l'ordre", a-t-il expliqué dans un communiqué télévisé. Nkurikiye n'a pas précisé si ces "criminels" étaient de véritables policiers et militaires incontrôlés ou des mutins.
En effet, les observateurs s'inquiètent de l'existence d'un possible commandement parallèle au sein des forces de sécurité, aujourd'hui profondément divisées, et de l'infiltration de rebelles ou de mutins armés dans les quartiers contestataires.
Le Burundi a plongé fin avril dans une grave crise politique, émaillée de violences meurtrières, après la candidature du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat, que ses adversaires jugent inconstitutionnel.
Les autorités ont maté en mai une tentative de coup d'État militaire et une brutale répression a fini par étouffer mi-juin un mois et demi de manifestations quasi-quotidiennes contre ce troisième mandat à Bujumbura, et plus épisodiquement en province.
Bujumbura a retrouvé depuis un semblant de normalité. Mais à la nuit tombée, des tirs résonnent désormais presque quotidiennement dans de nombreux quartiers de la capitale. En outre, d'anciens putschistes ont annoncé en juillet avoir pris le maquis et des combats ont opposé l'armée à des rebelles dans le nord du pays.
La crise actuelle, dans un climat de peur diffuse et d'intimidation, laisse craindre une reprise des violences à grande échelle dans ce petit pays d'Afrique des Grands Lacs, à l'histoire post-coloniale jalonnée de massacres entre Hutu (85 % de la population) et Tutsi, et qui se remet difficilement d'une guerre civile qui a fait 300 000 morts entre 1993 et 2006.
Avec AFP