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Pourquoi Washington menace-t-il de s’en prendre aux forces du régime syrien ?

Les États-Unis ont menacé à demi-mot de s'en prendre aux troupes de Bachar al-Assad si ces dernières se confrontaient aux rebelles syriens qu'ils ont entraînés. Des déclarations qui surviennent alors que la stratégie américaine patine.

Les autorités américaines sont prêtes à tout pour protéger les rebelles syriens qu’elles ont formés. Même à frapper le régime de Bachar al-Assad, comme elles l'ont fait savoir mardi 4 août.

Un porte-parole de la Maison Blanche a ainsi prévenu que Damas "ne doit pas interférer" avec les actions des insurgés formés par les Américains et entrés à la mi-juillet en Syrie pour combattre l'organisation extrémiste État islamique (EI). Sinon, a-t-il indiqué, "des mesures supplémentaires" pourraient être prises pour les protéger, laissant planer la menace de frappes aériennes contre les forces du président Bachar al-Assad.

Jusqu’à présent, Washington a bombardé uniquement des positions des jihadistes pour protéger sa brigade de rebelle modérée qui se fait appeler Division 30.

Indéféctible allié de Damas, Moscou dénonce les menaces américaines

Les menaces américaines ont de quoi surprendre après plus de quatre années de conflit syrien, dans lequel les États-Unis ont toujours été réticents à une quelconque intervention militaire. Elles n’ont pas manqué non plus de susciter de vives réactions, notamment de Moscou, indéfectible allié de Damas. "Il est contreproductif d'annoncer publiquement que des groupes armés entraînés [par les] États-Unis (...) seront sous la protection de l'aviation de la coalition" internationale qui intervient en Syrie sous la houlette de Washington contre quiconque les menaceraient, a ainsi dénoncé le ministre russe des Affaires étrangères Sergei Lavrov, lors d'une conférence de presse au Qatar.

Côté syrien c’est le scepticisme qui prévaut. Même si, officiellement, les autorités n’ont pas réagi, les médias officiels syriens se sont empressés d’accuser Washington d’hypocrisie et de vantardise. "Les terroristes que Washington entend défendre ne sont que l'autre face de l'extrémisme dont souffre la Syrie et cette dernière les combattra jusqu'à l'anéantissement", assure le quotidien gouvernemental "Al-Thaoura".

Ces déclarations surviennent en outre au moment où plusieurs des rebelles soutenus par les États-Unis ont été kidnappés par des jihadistes du Front al-Nosra, la branche d’Al-Qaïda en Syrie. Au moins cinq rebelles syriens appartenant à la nouvelle force militaire ont été capturés au cours des derniers jours. Un autre avait été tué vendredi dans des combats. "Un sacré camouflet pour les Américains, qui les fait surréagir", observe Fabrice Balanche, directeur du Groupe de recherche et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (Gremmo). Selon lui, les autorités américaines veulent se montrer fermes après ce revers et les menaces contre Assad sont à mettre sur le compte de cette posture.

La stratégie américaine de formation de rebelles en question

Il faut dire que, pour l’instant, la stratégie américaine de formation des rebelles syriens dits "modérés" n’a pas jamais porté ses fruits. Pour une raison simple : le fait d’avoir les faveurs des États-Unis fait de ces combattants modérés les cibles des jihadistes de tous bords. En témoigne le cas de Jamal Maarouf, ex-dirigeant du Front des révolutionnaires syriens (FRS), qui était encore début 2014 l’homme de Washington. D’abord accusé de corruption, ensuite menacé par le Front al-Nosra pour avoir été armé par les Américains, l’ancien chef de guerre du nord de la Syrie se serait réfugié en Turquie avec une partie de ses combattants, tandis que d’autres choisissaient de poursuivre le combat dans les rangs jihadistes. Par la suite, la filiale syrienne d’Al-Qaïda a également délogé de ses quartiers le groupe d’insurgés Haraket Hazm, un autre groupe rebelle sur lequel Washington pensait pouvoir compter.

Les Américains peinent également à trouver des rebelles à former : après avoir passé un test, ils font l’objet d’une enquête pour s’assurer qu’ils n’ont pas de liens avec d’éventuels groupes jihadistes. Une procédure longue, qui explique le retard pris par le programme de formation et le fait que la fameuse brigade compte seulement une soixantaine d’hommes. "Ce n’est pas avec 60 hommes qu’ils vont pouvoir inverser l’équilibre des forces. Cette stratégie ne fonctionne pas", estime Fabrice Balanche.

Reste que dans les faits, une confrontation entre les insurgés alliés soutenus par Washington et les troupes de Bashar al-Assad est très peu probable, selon le chercheur. La Division 30 tente de lutter contre les jihadistes de l'EI dans le nord de la Syrie, or l’armée syrienne y est peu présente, hormis à Alep. Le chercheur rappelle en outre que depuis l’émergence de l’EI en Syrie, la position américaine vis-à-vis d’Assad s’était sensiblement détendue, Damas et la coalition combattant ce même ennemi.