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États-Unis : des chantiers de construction désertés après des raids de la police anti-immigration
Une vaste opération fédérale de contrôle de l'immigration a été lancée à Charlotte, en Caroline du Nord, à la mi-novembre. Conséquence : de nombreux chantiers de construction ont été à l’arrêt, les ouvriers, souvent immigrés ou d'origine étrangère, craignant d’être arrêtés pendant leurs heures de travail.
Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrent des chantiers de construction déserts à Charlotte, en Caroline du Nord, à la suite d'une récente opération fédérale de contrôle de l'immigration dans la ville. © TikTok / alejandraderangel

À la suite du lancement d'une opération fédérale anti-immigration à Charlotte, des vidéos montrant des chantiers de construction à l'arrêt, dépourvus de travailleurs, ont largement circulé sur les réseaux sociaux.

Surnommée "Charlotte's web", l'opération menée par les services des douanes et de la protection des frontières (CBP) et les services de l'immigration et des douanes (ICE) – l'unité dont les méthodes sont très décriées aux États-Unis – a conduit à l'arrestation de plus de 250 personnes entre le 15 et le 18 novembre 2025, selon le département fédéral de la Sécurité intérieure. Une semaine après le lancement de l'opération, la télévision CBS rapportait que moins d'un tiers des personnes arrêtées étaient classées comme "étrangers criminels".

Une vidéo partagée sur TikTok montre le chantier d'un quartier résidentiel au nord-est de la ville, avec une légende indiquant : "À Charlotte, en Caroline du Nord, des chantiers de construction vides par crainte de l'ICE."

Cette vidéo TikTok, publiée le 19 novembre 2025, montre un chantier de construction vide à Charlotte. "En tant d'années passées aux États-Unis, c'est la première fois que je vois une situation aussi triste", peut-on lire dans la légende. Source : TikTok / Alejandraderangel

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"Personne ne s'est présenté au travail… ICE", écrit un utilisateur de TikTok, qui publie depuis des mois des vidéos en lien avec le secteur du BTP. Dans une autre vidéo, il ajoute : "Charlotte, nous traversons une période difficile… Nous sommes des migrants qui travaillent dur, pas des criminels."

"Le chantier est pratiquement à l'arrêt à cause des raids de la police des frontières à Charlotte", peut-on lire dans la légende de cette vidéo TikTok publiée le 17 novembre. Source : TikTok / elvin.chacon2

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À Raleigh, capitale de la Caroline du Nord, où les rafles se sont étendues, des sources du secteur du BTP citées par un journal local, Carolina Journal, estiment que 200 ouvriers du bâtiment manquaient à l'appel au cours de la semaine du 17 novembre. 

L'opération vise un État qui compte une importante population immigrée. Les personnes nées à l'étranger représentent près de 17 % des habitants de Charlotte et 12 % de la main-d'œuvre de Caroline du Nord. Leur contribution est encore plus importante dans certains secteurs comme le BTP, où elles représentent 27 % des ouvriers. 

"Le règne de terreur sur les travailleurs immigrés"

Plusieurs organisations ont dénoncé l'impact des raids sur les travailleurs et les entreprises. La Fédération américaine du travail et le Congrès des organisations industrielles (AFL-CIO) de Caroline du Nord, l'une des plus grandes fédérations syndicales des États-Unis, ont exigé le 19 novembre que l'administration Trump "mette fin à son règne de terreur sur les travailleurs immigrés", qualifiant l'opération de "menace grave pour les droits fondamentaux de tous les travailleurs".

Son président, Braxton Winston, a personnellement été témoin de l'opération. Une vidéo qu'il a diffusée en direct sur Facebook le 16 novembre montre des habitants poursuivant des agents de la police des frontières à travers les bois, alors que ceux-ci s'approchaient d'un site forestier. 

"Ils s'acharnent sur les gens qui travaillent, qui génèrent des revenus, qui construisent notre ville", dit-il dans la vidéo. "Ils ne s'en prennent pas à ceux qui commettent des délits, mais à ceux qui travaillent."

Joint par la rédaction des Observateurs de France 24, Braxton Winston souligne que les tactiques des agents sèment la peur dans toute la communauté :

"La question, ce n'est pas de savoir si vous êtes sans papiers ou non. Ils ciblaient les personnes qui, et je le dis entre guillemets, 'semblent être nées dans un pays étranger'. 

Je les ai vus s'approcher d'un homme qui nettoyait simplement un parking et lui demander :'Dans quel pays êtes-vous né ?'

Certains de nos travailleurs n'étaient même pas des immigrés. Ce qu’ils font ce n’est pas une enquête approfondie, c’est un vaste coup de filet utilisé pour semer la peur parmi une certaine population, en particulier nos frères et sœurs de couleur, issus d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud. "

Vidéo en direct diffusée le 16 novembre par Winston sur Facebook. Source : Facebook / Braxton Winston

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"Des chantiers entiers ont été fermés"

Le leader syndical a également été témoin des conséquences des raids sur la ville :

"Ça a terrorisé des groupes entiers de travailleurs et ça a ralenti l'économie de la ville.  Des chantiers entiers, dont plusieurs grands chantiers de construction, ont été fermés. Dans certains quartiers, toutes les petites entreprises ont fermé leurs portes. Pendant une semaine, c’était dangereux pour les gens de quitter leur domicile pour aller travailler."

Plusieurs entreprises de Charlotte ont effectivement annoncé fermer temporairement leurs portes. Parmi elles, Legends, un glacier. Son copropriétaire explique dans une vidéo Instagram que cette fermeture était nécessaire pour protéger ses employés et ses clients : "La sécurité de tous est plus importante", fait-il valoir. Auprès du média local CharlotteFive, il ajoute : "À l'heure actuelle, je ne peux pas prendre le risque d'exposer mes employés à un profilage."

Dans cette vidéo du 17 novembre, le copropriétaire de Legends Ice Cream à Charlotte explique pourquoi il a décidé de fermer temporairement son magasin.

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Une boulangerie, connue pour être un lieu prisé des personnes immigrées dans la ville, a également fait la une des journaux en fermant ses portes pour la première fois en 28 ans.

Beaucoup de ces commerces ont depuis rouvert. Mais alors que les forces de l'ordre locales ont déclaré que les agents du CBP quitteraient la ville le 21 novembre, la secrétaire adjointe du département de la Sécurité intérieure, Tricia McLaughlin, a affirmé dans un communiqué publié le 20 novembre que "l'opération n'est pas terminée et qu'elle ne prendra pas fin de sitôt". Les agents de l'ICE devraient également poursuivre leurs opérations dans la ville.

"Certaines petites entreprises ne peuvent pas survivre à une semaine d'interruption d'activité"

Bratxton Winston prévient : ces fermetures ont des conséquences. 

"Certaines petites entreprises ne peuvent pas survivre à une semaine d'interruption d'activité. Une entreprise ce n'est pas une catastrophe naturelle, où l'on peut s'adresser à son assurance pour obtenir un remboursement.

J'ai vu des 'magasins familiaux' – des magasins de quartier ou tenus par des familles – fermer. Ils perdent en moyenne 2 500 dollars de revenus [par jour]. C'est beaucoup d'argent pour ces magasins qui survivent grâce à leur fréquentation quotidienne."

Une enquête menée auprès de 90 propriétaires d'entreprises de Charlotte par l'organisation à but non lucratif CharlotteEast et rapportée par le média américain Axios a révélé que 47 % d'entre eux avaient été fermés pendant au moins trois jours. 

Braxton Winston souligne que l'impact réel de ces raids reste à déterminer :

"C'est l'une des choses sur lesquelles nous nous penchons actuellement afin d'obtenir des données sur l'impact économique réel que la communauté a subi du fait que les gens ne sont pas allés travailler ou n'ont pas dépensé d'argent. 

Il faudra encore voir, car nous avons beaucoup de grands projets en cours à Charlotte, notamment des chantiers de construction. Seule une faible marge d'arrêt de travail est prévue dans ces budgets, surtout aujourd'hui où l'inflation ralentit l'activité économique. Des événements comme ceux-ci peuvent avoir des effets dominos. Nous commençons tout juste à quantifier ce à quoi cela ressemble."

En réponse à cette opération, la ville de Charlotte s'est engagée à verser 100 000 dollars pour aider les familles qui ont perdu leur salaire ou connu des difficultés financières parce qu'elles n'ont pas pu travailler après la fermeture de leur entreprise.

L'initiative Secure Growth, qui représente plus de 100 000 petites entreprises à l'échelle nationale, fait également pression pour que l'administration Trump soit tenue responsable des pertes économiques causées par les politiques d'expulsion massive. Son étude indique qu'aux États-Unis, un entrepreneur sur cinq déclare avoir perdu des employés en raison des mesures répressives en matière d'immigration.

"La police des frontières veut faire son travail à l'abri des regards"

Tout en condamnant l'opération fédérale, Braxton Winston souligne les efforts des citoyens pour aider les travailleurs touchés.

"Nous avons tiré les leçons apprises ailleurs et nous nous sommes organisés pour protéger les personnes qui étaient prises pour cibles. 

Par exemple, nos partenaires du Carolina Migrant Network et de Siembra North Carolina ont mis en place une ligne d'assistance téléphonique où tout le monde pouvait signaler ce qu'il voyait. Ils ont ainsi pu réagir rapidement afin que nous puissions aller soutenir les zones où les actions se déroulaient. La police des frontières veut faire son travail à l'abri des regards. Il est vraiment important que les gens viennent sur place pour filmer et mettre les agents mal à l'aise afin qu'ils ne puissent pas enlever des personnes sans mandat, ce qui était le cas."

Dans la vidéo qu'il a publiée sur Facebook, le syndicaliste appelle également à une plus grande implication du monde des affaires, qui dépend de ces travailleurs. "Banquiers, millionnaires, milliardaires, décrochez votre téléphone et dites à ces gens [les agents fédéraux] de quitter notre ville... "

Cet article a été traduit de l'anglais. L'original est à retrouver ici.