logo

En Russie, le procès de l'icône ukrainienne Nadia Savtchenko a été ajourné

Le procès de la pilote ukrainienne Nadia Savtchenko, véritable héroïne de guerre en Ukraine, a été ajourné jeudi. Détenue en Russie depuis plus d'un an, cette femme de 34 ans est au centre d'un procès hautement politique.

En Ukraine, Nadia Savtchenko est le symbole de la résistance face à l'invasion de la Russie. Pour Moscou, cette pilote militaire de 34 ans est une dangereuse criminelle accusée d'être "co-exécutrice d'un meurtre prémédité" de deux journalistes russes. Nadia Savtchenko était, dans les deux pays, sous les feux des projecteurs ce jeudi 30 juillet, alors que s'ouvrait son procès dans le sud de la Russie, à la frontière avec l'est séparatiste de l'Ukraine, là où sont décédés les deux reporters.

À peine avait-il été ouvert que son procès, qui se tenait à huis clos, a été ajourné, le tribunal ayant accepté la demande des avocats de l’accusée de déplacer le procès à Moscou. Les autorités russes accusent la jeune femme "d'avoir joué un rôle d'indicateur dans l'assassinat de journalistes russes non armés qui essayaient d'exercer leur profession dans l'est de l'Ukraine", selon les propos du président russe Vladimir Poutine lors d’une récente conférence de presse. Nadia Savtchenko risque jusqu'à 25 ans de prison.

"Spectacle de propagande"

Les faits qui lui sont reprochés remontent à juin 2014. À cette époque, la jeune femme, après avoir quitté les rangs de l'armée qu'elle jugeait trop passive face à l'avancée russe en Crimée, est enrôlée dans une unité paramilitaire de volontaires ukrainiens, le bataillon Aidar. Selon les Russes, elle aurait alors livré les coordonnées satellites permettant de localiser deux journalistes, Igor Korneliouk et Anton Volochine, près de Lougansk. Les deux hommes ont péri sous un tir de mortier lors d'une attaque.

>> À lire sur France 24 : L'Otan doit répondre à "l’agression" de la Russie

Capturée par des séparatistes pro-russes quelques jours plus tard, Nadia Savtchenko, qui clame son innocence, est depuis détenue en Russie.

"Ce ne sera pas un procès. Ce sera un spectacle de propagande comme à l'accoutumée", avait déclaré à l'AFP l'un de ses avocats, Mark Feïguine, en amont du procès. Pour ses soutiens, il ne fait en effet aucun doute que Nadia Savtchenko sera jugée coupable malgré ce qu'ils considèrent être de nombreuses preuves de son innocence. "Savtchenko a un alibi solide à 100 %", a déclaré un autre de ses avocats, Ilia Novikov. "Nous allons organiser la défense en partant du principe que le verdict a déjà été donné et qu'il est aussi sévère que possible", a-t-il ajouté, qualifiant le procès "d'affaire politique pour la Russie".

De première femme pilote en Irak à députée en prison

D'aucuns pensent en effet que le jugement pourrait être d’autant plus exemplaire que Nadia Savtchenko est considérée comme une héroïne dans son pays. Le parcours de cette militaire aguerrie a en effet de quoi impressionner : l’une des rares femmes pilotes d'Ukraine, elle a fait ses armes en Irak en 2004 avant de s'engager sur le front ukrainien.

Mais c’est son arrestation et sa détention qui l’ont littéralement élevée au rang d’icône. Outre une mobilisation nationale et internationale en sa faveur, l'Ukrainienne a bénéficié du soutien de l'ex-Premier ministre, Ioulia Timochenko, elle-même figurant parmi les bêtes noires de la Russie. En octobre dernier, l'égérie de la révolution orange l'a fait inscrire comme tête de liste du son parti Batkivchtchina (Patrie) pour les élections législatives. À l’issue du scrutin, Savtchenko a été élue malgré son absence.

Le président Petro Porochenko lui a de son côté attribué le titre d'"héroïne de l'Ukraine", la plus haute distinction du pays.

Sa détermination et son patriotisme ont également contribué à sa notoriété. À la suite d'une grève de la faim entamée en début d'année - et arrêtée depuis - la frêle jeune femme avait perdu une vingtaine de kilos. Par ailleurs, à chacune de ses apparitions publiques, lors des audiences au tribunal de Moscou, Nadia Savtchenko a arboré le trident ukrainien, symbole national, n’hésitant pas à crier "Vive l'Ukraine" en quittant la salle.