Alors que la présidentielle burundaise semble acquise au chef de l'État sortant Pierre Nkurunziza, Thierry Vircoulon, spécialiste de la région, craint une flambée de violences dans le pays, tout en excluant l'éclatement d'un conflit ethnique.
Quelque 3,8 millions de Burundais sont appelés aux urnes, mardi 21 juillet, pour une élection présidentielle sous haute tension. Jugée non crédible par la communauté internationale, elle est boycottée par l'opposition, qui dénie le droit au président sortant, Pierre Nkurunziza, de briguer un troisième mandat.
Dans la nuit de lundi à mardi, deux personnes ont été tuées à Bujumbura, où explosions et tirs ont résonné plusieurs heures avant l'ouverture des bureaux de vote. Des "actes terroristes", selon le camp présidentiel, qui visent à "intimider les électeurs".
Dans un pays marqué par des années de conflit entre Tutsis et Hutus, les craintes d’une flambée de violence se font de plus en plus en fortes. Pour Thierry Vircoulon, spécialiste de l’Afrique centrale au sein du think tank International Crisis Group, si les affrontements risquent de se multiplier dans le pays, rien n’indique qu’ils puissent virer au conflit ethnique. Entretien.
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France 24 : Selon toute vraisemblance, Pierre Nkurunziza va être réélu à l’issue de la présidentielle. Doit-on craindre des violences à l’annonce des résultats ?
Thierry Vircoulon : Après les manifestations de rue qui n’ont finalement pas atteint leurs objectifs, on sent la montée d’une résistance armée. Aujourd’hui, on est passé dans une phase où le Burundi est en train de glisser vers la violence. Cette élection présidentielle qui, malgré les apparences, est à candidat unique, envoie à l’opposition le message qu’il n’y a plus rien à négocier et qu’il ne lui reste plus que la lutte armée. C’est évidemment une très mauvaise nouvelle.
Il y a déjà eu des incidents violents. Au début de ce mois notamment, un groupe armé assez fortement constitué et l’armée burundaise se sont affrontés à la frontière avec le Rwanda. C’est ce type d’événements qu’il faut s’attendre à voir se multiplier. Plus de 160 000 Burundais ont déjà quitté le pays, non pas en raison de violences, mais en anticipation des violences. Quand, dans un pays, vous avez une population qui anticipe un conflit, il faut y prêter attention. C’est ce qui est malheureusement à l’horizon de cette élection.
Qui constituent les rangs des groupes armés aujourd’hui actifs au Burundi ?
Il s’agit d’un mélange entre des militaires qui ont fait défection, des membres de l’opposition et puis, probablement, des cadres du parti présidentiel entrés en dissidence. Il faut savoir que le parti a perdu presque la totalité de ses membres modérés qui s’opposaient à une nouvelle candidature de Pierre Nkurunziza.
Les deux camps ne seront-ils pas tentés de transformer les tensions en un conflit ethnique ?
À l’époque des manifestations de rue, le pouvoir a essayé de leur donner une interprétation ethnique en disant qu’il s’agissait de rassemblements organisés par des Tutsis, alors que des Hutus y prenaient également part. Il va de soi qu’une manipulation ethnique est toujours possible, mais, au Burundi, la population dans son ensemble a conscience que l’opposition est aussi bien du côté hutu que du côté tutsi. Toute tentative de dépeindre les actes de violence à venir comme étant le fait de Tutsis ne prendra pas dans l’opinion publique.