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Attentats à Gaza : "Le Hamas est très inquiet par la montée en puissance de l’EI"

Pour la première fois de l’histoire de l’enclave palestinienne, une série d’attentats a visé simultanément plusieurs cadres du Hamas et du Jihad islamique, son allié. L’EI, qui a juré la destruction du Hamas, est pointé du doigt.

Dimanche 19 juillet, cinq attaques terroristes ont visé le Hamas et le Jihad islamique, son allié. Les cinq bombes ont explosé en l'espace d'un quart d'heure dans le même quartier de Cheikh Radouane, dans le nord de Gaza. Trois d’entre elles avaient été placées sous des voitures appartenant aux brigades Al-Qassam, le bras armé du Hamas, deux autres sous les véhicules de membres des brigades Al-Qods, la branche armée du Jihad islamique.

Les explosions ont totalement détruit les véhicules dont les carcasses gisaient, carbonisées, devant les domiciles de leurs propriétaires, sans toutefois faire de victime. La police du Hamas a indiqué avoir arrêté des suspects et a promis que les "saboteurs" ne pourraient "pas échapper aux sanctions".

Des attentats inédits pour deux raisons : c’est la première fois que le Jihad islamique, soutenu par l’Iran, est la cible d’attaques coordonnées, et c’est aussi la première fois qu’un attentat vise simultanément autant de membres islamistes dans l’enclave palestinienne.

A ma connaissance, c'est la première fois que des jihadistes de l'#EI menacent le #Hamas dans une vidéo officielle.

— Romain Caillet (@RomainCaillet) 30 Juin 2015

Qui se trouve derrière ces attaques ? Difficile de le savoir. Pour l'heure, aucune revendication, mais tous les yeux se tournent vers l’organisation de l’État islamique (EI). Le 30 juin, le groupe jihadiste avait clairement changé de ton en menaçant, via une vidéo, de détruire le Hamas – et de le supplanter à Gaza. L’EI y fustige également un manque de rigueur du mouvement palestinien dans son application de la charia, la loi islamique.

Détruire le Hamas, appliquer la charia

"La règle de la charia sera appliquée dans la bande de Gaza, malgré vous. Nous jurons que ce qui se passe aujourd'hui en Syrie, […] se passera aussi dans la bande de Gaza", peut-on entendre dans la vidéo, adressée aux "tyrans du Hamas", qui appelle également les Gazaouis à rester loin des bâtiments du parti islamiste.

Wassim Nasr, journaliste spécialiste des mouvements jihadistes à France 24, reste prudent : "Si personne n'a revendiqué ces attaques, il est difficile de spéculer sur les responsabilités des uns ou des autres. En revanche, ce que l’on peut dire, c’est que ces attentats mettent en lumière la fragilité du Hamas confronté à la contestation grandissante des salafistes-jihadistes et des partisans de l’EI sur son territoire."

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Le Hamas, il est vrai, a déjà été confronté à des attaques sur son propre sol. La plus spectaculaire avait eu lieu début mai lorsqu'un groupe salafiste se faisant appeler les Partisans de l’État islamique à Jérusalem avait revendiqué des tirs de mortier contre une base d'Al-Qassam. À chaque fois, le modus operandi semble être un avertissement, les explosions survenant toujours de nuit ou à une heure où aucun passant ne se trouve aux alentours.

Une jeunesse gazaouie de plus en plus séduite par l’EI

Au regard des attentats de dimanche, l’EI est-il venu à bout de ses sommations et se prépare-t-il désormais à des actions plus violentes ? "Aux yeux de l’EI comme d’Al-Qaïda, le Hamas, proche des Frères musulmans, est un ennemi qui impose une version de l’islam politique qui accepte la démocratie [le Hamas a gagné par les urnes en 2006, NDLR]. Un affront pour des jihadistes qui ne reconnaissent que la loi divine, la charia", précise Wassim Nasr. Pour l’EI, le Hamas est donc non seulement un parti "démocrate", mais aussi sous influence directe de l’Iran, l’ennemi juré des extrémistes sunnites.

>> Webdocumentaire de France 24 : "La vie des habitants de Gaza en pleine guerre"

Dans cette guerre politique et idéologique, le Hamas doit également faire face à un autre danger : la perte de son assisse populaire. De plus en plus de Gazaouis, exaspérés par le blocus israélien, la pauvreté, le chômage et la – trop – lente reconstruction de leur territoire, se laissent séduire par les jihadistes extrémistes sunnites.

"La jeunesse n’en peut plus du clientélisme et de la corruption qui gangrène le Hamas. De nombreux Gazaouis ont déjà rejoint les rangs de l’EI ou d’autres factions jihadistes comme le Front al-Nosra, branche syrienne de l’organisation rivale Al-Qaïda. De son côté, le Hamas est très inquiet par la montée en puissance de l’EI sur son territoire et n’hésite pas à réprimer dans le sang toute opposition à son pouvoir", conclut le spécialiste des mouvements jihadistes.