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Le rapport de Malek Boutih évoque le risque d’une radicalisation islamiste "de masse"

Dans un rapport remis au Premier ministre Manuel Valls, le socialiste Malek Boutih met en garde contre une généralisation du phénomène de radicalisation islamiste en France et formule des recommandations au-delà de l'arsenal législatif.

Un rapport commandé par Manuel Valls, réalisé par le député socialiste Malek Boutih, "Génération radicale", met en garde contre un basculement de la radicalisation islamiste dans un "phénomène de masse" en France, si les autorités ne mènent pas des actions sociales et économiques en direction d'une "jeunesse frustrée".

Face à ce constat alarmant, le député socialiste, ancien président de SOS Racisme, formule une série de recommandations, au-delà de l'arsenal législatif existant.

"L'ampleur du phénomène et sa pénétration dans tous les milieux, avec la radicalisation de jeunes étudiants, et de jeunes filles en particulier, indiquent qu'on pourrait basculer dans un phénomène de masse", souligne Malek Boutih dans ce rapport dont "Le Figaro" dévoile la teneur vendredi 3 juillet.

Au 4 juin, indique le rapport, 2 243 signalements via le numéro vert mis en place en avril 2014 ont été confirmés et transmis aux préfectures et aux services du renseignement intérieur. Au total, 3 600 personnes ont été "détectées".

Près de 65 % des jeunes français impliqués dans les filières jihadistes ont moins de 25 ans. Les filles sont de plus en plus concernées (près de 40 % des départs de France).

"Face à ce défi inédit, il semble utile de doter la puissance publique d'un outil adapté, destiné à des opérations publiques fortes et relativement ponctuelles", écrit Malek Boutih, en l'occurrence des groupes d'actions républicaines.

Sous l'autorité de l'État, "ces groupements dirigés nationalement et localement par des femmes et des hommes d'expérience seraient engagés contractuellement sur des objectifs et un calendrier précis". Ils seraient habilités, localement, à agir sur les terrains de l'école, de la police et du logement, avec le soutien du secteur privé.

Rôle clé du secteur associatif

Le rapporteur suggère l'instauration d'un "Établissement public national", sous l'égide du Premier ministre, disposant d'une marge de manœuvre décisionnelle et budgétaire pour la prévention et la prise en charge de jeunes radicalisés.

La radicalisation trouvant son terreau dans la précarité sociale, le député veut permettre aux jeunes d'exercer "leur esprit d'initiative" et pas une nouvelle allocation.

L'élu propose notamment la création "d'une 'BPI jeune' (Banque publique d'investissement) dont les fonds seraient distribués aux porteurs de projet de moins de 30 ans". Le député avance aussi les pistes du micro-crédit et de banques itinérantes, des "bankbus" qui iraient à la rencontre des jeunes dans les quartiers défavorisés.

Malek Boutih insiste sur le rôle du secteur associatif, "l'une des rares références de confiance chez les jeunes". Les associations, déplore-t-il, pâtissent d'un manque de moyens et d'un carcan administratif trop rigide, deux obstacles auquel l'État doit remédier selon lui.

Pour prévenir la radicalisation, Boutih propose également de procéder à "des échanges de familles" de culture musulmane et juive.

"Un des signes positifs de la vivacité républicaine est le nombre important de mariages mixtes chez les enfants des immigrés installés dans notre pays. Cela pourrait inspirer un dispositif d'échange de familles pour resserrer les liens entre cultures différentes", écrit le député.

Manuel Valls a déclaré, en marge d'un déplacement à Besançon (Doubs), qu'il partageait l'analyse de Malek Boutih selon laquelle il y a un phénomène de "radicalisation de masse". "La réponse ne peut pas être que policière et judiciaire, ça ne peut pas être que la réponse des services de renseignement, c'est une réponse en profondeur", a-t-il ajouté en revenant sur la nécessité de mettre fin à "l'apartheid territorial, social et ethnique" qui caractérise selon lui certaine banlieues.

Premières critiques

Peu de temps après sa publication par "Le Figaro", le rapport du député de l'Essonne faisait déjà l’objet de critiques en raison de personnes auditionnées pour sa réalisation. Le site Buzzfeed souligne la présence étonnante de Virginie Tellenne alias Frigide Barjot, porte-parole du mouvement de la Manif pour tous.

Interrogée par le site web, elle dit militer pour "une laïcité respectueuse mais qui n’exclut pas la vision religieuse de l’humanité".

La plupart des critiques se concentrent sur la participation de Jean-Paul Ney, présenté dans le rapport comme un "ancien éducateur" et auteur de "Génération Merah, pourquoi font-ils le jihad ?". Ce dernier se fait régulièrement remarqué par ses sorties haineuses sur Twitter.

Buzzfeed rappelle qu’au lendemain des attentats de janvier contre "Charlie Hebdo" et de la porte de Vincennes, il avait révélé sur le réseau social l’identité d’un lycéen soupçonné à tort d’être le complice des frères Kouachi.

Par ailleurs, si la participation de groupes de jeunes chrétiens, musulmans et juifs à l'élaboration du rapport peut avoir un sens, celle des organisations pour les jeunes du PS et du FN sont plus surprenantes.

Enfin, la lettre de mission de Manuel Valls adressée à Malek Boutih recommandait de "recenser les bonnes pratiques de nos partenaires étrangers, confrontés aux mêmes problématiques, compatibles avec les principes et les valeurs de la République". Aucune recommandation de ce type ne figure dans le rapport.

Avec Reuters