Une délégation de l’intersyndicale des taxis se rendra au ministère de l'Intérieur en fin de journée. En grève depuis jeudi matin, ceux-ci jugent la décision de Bernard Cazeneuve de faire interdire l'activité d'UberPOP insuffisante.
Après avoir décidé "à l'unanimité", jeudi 25 juin, de boycotter une rencontre annoncée à la mi-journée par Matignon et de "poursuivre le mouvement" national contre UberPOP, l'intersyndicale des taxis a finalement accepté d’envoyer une délégation au ministère de l'Intérieur, place Beauvau.
"Nous allons être reçus par Bernard Cazeneuve", a déclaré Ahmed Senbel, président de la Fédération nationale des taxis indépendants (FNTI), à une centaine de taxis réunis Porte Maillot à Paris.
Plus tôt, un représentant de la CGT avait indiqué qu'étant donné "que le Premier ministre n'est pas là pour nous recevoir, l'intersyndicale a décidé à l'unanimité de ne pas y aller". Le responsable de la CGT Taxis avait par ailleurs annoncé "la poursuite du mouvement" dans l'attente d'une "décision forte" du gouvernement.
En déplacement en Colombie pour un voyage officiel, le premier ministre Manuel Valls a condamné des violences "inadmissibles" tout en réaffirmant que le service UberPop était "clairement illégal". Les "auteurs (de ces violences), qui se trouvent dans les deux camps, puisqu'il y a deux camps, doivent être poursuivis et seront poursuivis", a-t-il ajouté.
UberPop interdit dans Paris par arrêté préfectoral
Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, avait pourtant annoncé, plus tôt dans la journée, avoir demandé au préfet de police de Paris de prendre un arrêté interdisant l’activité d’UberPop, une application de transport entre particuliers non-professionnels. Le ministre a également demandé à l'ensemble des préfets de saisir les procureurs de la République pour qu'ils appliquent la "plus grande fermeté" à la répression des infractions aux règles sociales et fiscales constatées de la part de la société américaine Uber avec sa déclinaison à bas coût UberPOP.
De son côté, le directeur général d'Uber France a affirmé jeudi que l'arrêté préfectoral interdisant UberPOP à Paris "ne change rien" et que ce service qui suscite la colère des taxis "peut continuer". "C'est un arrêté préfectoral, on va le contester et on verra ce que donne le recours, pour l'instant ça ne change rien, UberPOP peut continuer", a déclaré Thibaud Simphal à BFM Business, à l'issue d'une journée de mobilisation des taxis dans toute la France, émaillée de violences.
Quoi qu'il en soit cela n'est pas suffisant pour les chauffeurs de taxis qui réclament "la désactivation de l'application" UberPOP, qualifiée de "concurrence déloyale" par les professionnels, a précisé Karim Asnoun, secrétaire général de la CGT Taxis.
"Je n'ai jamais cru aux arrêtés préfectoraux", pris précédemment en Gironde, dans le Bas-Rhin, le Nord ou encore les Bouches-du-Rhône, a fait savoir Nordine Dahmane (FO). "Ils n'ont fait que reprendre ce qui est déjà dans la loi" Thévenoud, promulguée en octobre 2014 et combattue dans les prétoires par la société américaine Uber.
Une large majorité des partis politiques a déclaré jeudi "comprendre les taxis" mais dénonce une concurrence "déloyale" après plusieurs blocages routiers en France, seuls EELV et le Parti de Gauche se prononçant contre l'interdiction du service de VTC UberPOP.
La porte-parole des Républicains Lydia Guirous et le président de l'UDI Jean-Christophe Lagarde ont évoqué jeudi une "concurrence déloyale" quand le président PS de l'Assemblée Claude Bartolone a parlé de "concurrence sauvage".
"On est obligé de passer par cette étape de la radicalité"
Opérations escargots, blocages des gares et des aéroports, voitures de transport avec chauffeur (VTC) prises pour cible : près de 3 000 taxis en colère ont dénoncé, jeudi, la "concurrence sauvage" de l'application mobile UberPOP, créant d'importantes perturbations et quelques accrochages.
Face au ras-le-bol de la profession, les syndicats revendiquent la nécessité de faire passer un message fort : "On est obligé de passer par cette étape de la radicalité", souligne Abdel Ghalfi (CFDT).
Porte Maillot, à Paris, des taxis ont ainsi pris d'assaut et incendié les vans de deux conducteurs de VTC, provoquant l'intervention des CRS et des pompiers, dans une odeur âcre de fumée, avec claquement de pétards et fracas de poubelles renversées.
Ambiance tendue aussi à l'aéroport d'Orly où des grévistes faisaient la chasse aux chauffeurs clandestins, sous le regard des forces de l'ordre. À Roissy, le blocage des accès à plusieurs terminaux était en voie d'être levé vers 14 h.
Dans la capitale, la circulation était perturbée, avec des bus déroutés et des bouchons. Les accès à la gare du Nord comme à la gare de Lyon étaient bloqués par des dizaines de voitures, dont celle d'Olivier Noblot, taxi depuis 22 ans, "prêt à revenir tous les jours s'il le faut et à bloquer Paris".
La chanteuse Courtney Love en colère contre François Hollande
Un homme soupçonné d'avoir jeté des projectiles, blessant un CRS porte Maillot, a été interpellé. À Roissy et Orly, deux chauffeurs de VTC qui ont forcé des barrages et renversé des manifestants ont été placés en garde à vue. Un chauffeur de taxi moto a aussi été placé en garde à vue après avoir utilisé une bombe lacrymogène contre un taxi à Orly.
À Lyon, des taxis bloquaient l'accès à la gare et à l'aéroport. "Pourquoi pas demain des Uber plombiers, Uber électriciens ? Et tout le monde fera n'importe quoi, la sécurité elle sera où ?", s'interroge Gérald Giraud.
Circulation également perturbée à Marseille. Pour Gilles Alonso, du syndicat Alliance Taxi 13, "quand on ne s'acquitte d'aucune charge sociale, c'est facile de faire des courses à 3 ou 4 euros...".
Ce mouvement recueille un large écho dans la classe politique, de la gauche à l'extrême droite. Seul l'ex-Premier ministre de droite François Fillon juge que "c'est la chienlit aujourd'hui, franchement".
Par ailleurs, la chanteuse américaine Courtney Love, veuve du leader de Nirvana Kurt Cobain, a créé le buzz avec ses tweets : "Notre voiture a été prise dans une embuscade (...) ils frappent notre voiture avec des barres de fer. C'est la France ? Je suis plus en sécurité à Bagdad. François Hollande, où est la putain de police ?".
Avec AFP et Reuters