Le chef des services de renseignement rwandais Emmanuel Karenzi Karake, interpellé à Londres la semaine dernière en exécution d'un mandat d'arrêt espagnol, a été libéré sous caution. Il a refusé d'être remis à l'Espagne.
Après avoir été arrêté samedi 20 juin à l’aéroport londonien de Heathrow en vertu d'un mandat d'arrêt émis par l'Espagne, le chef des services secrets rwandais Emmanuel Karenzi Karake, a été remis en liberté jeudi contre une caution de 1 million de livres (1,40 million d’euros).
Lors d’une comparution devant la justice britannique, le général Karake a refusé d’être remis à l’Espagne. "Je n'y consens pas", a-t-il simplement répondu. Il devra toutefois se présenter une fois par jour à la police jusqu'à son audience d'extradition prévue fin octobre et résider chez l'ambassadeur du Rwanda à Londres ou dans une maison louée par l'ambassade rwandaise.
En février 2008, le juge de la Haute Cour espagnole Fernando Andreu Merelles a émis 40 mandats d’arrêt à l’encontre de responsables militaires rwandais, dont Emmanuel Karenzi Karake, pour génocide, crimes de guerre, crimes contre l’humanité et terrorisme au Rwanda et en République démocratique du Congo (RDC).
Ces militaires sont accusés d'avoir joué un rôle dans une offensive qui a fait des dizaines de milliers de morts parmi les réfugiés hutus en RDC, parmi lesquels des Espagnols. Ils agissaient en représailles du génocide rwandais de 1994 qui a fait plus de 800 000 morts, principalement parmi la minorité tutsi. Le général Karenzi Karake est également accusé d'avoir dirigé d'importants massacres de populations civiles entre 1994 et 1997 dans plusieurs régions du Rwanda.
À l'extérieur du tribunal, un petit groupe de personnes ont manifesté pour réclamer la libération de leur "héros", brandissant des banderoles "Arrêtez d'humilier l'Afrique". "Nous voulons qu'ils relâchent Karenzi Karake. Sa détention est injuste", a déclaré Mutesi, une Rwandaise de 24 ans. "Je ne crois pas du tout qu'il soit coupable, c'est une affaire politique", a-t-elle ajouté. La veille, à Kigali, la capitale du Rwanda, 200 à 300 personnes avaient manifesté devant l'ambassade britannique pour protester contre cette arrestation.
"L’arrogance et le mépris de l’Occident"
Le président Paul Kagamé a également vivement réagi à l’interpellation de Karenzi Karake. "L'arrestation du chef des services de renseignement du Rwanda est basée sur l'arrogance absolue et le mépris" de l'Occident. "Ils doivent l'avoir pris par erreur pour un immigrant illégal. Ils nous traitent tous comme ils traitent les immigrants illégaux", a déclaré le président Kagame dans un discours prononcé jeudi devant le Parlement. "Les Noirs sont devenus des cibles pour s'entraîner à tirer", a ajouté le chef de l'État.
Âgé de 54 ans, le général Emmanuel Karenzi Karake, dit "KK", fait partie du premier cercle du président rwandais Paul Kagamé. Issu comme lui de la diaspora rwandaise en Ouganda, il a fait partie des chefs militaires de la rébellion du Front patriotique rwandais (FPR, aujourd'hui parti au pouvoir) qui a mis fin au génocide.
Depuis, il a toujours occupé des postes importants. De janvier 2008 à avril 2009, il a été numéro deux de la Minuad, la force hybride de l'Union africaine et de l'ONU, déployée au Darfour. C'est à cette période que le mandat d'arrêt espagnol a été émis, provoquant des tensions entre le Rwanda et l'ONU.
Emmanuel Karenzi Karake est brièvement tombé en disgrâce en avril 2010 et a été placé sous résidence surveillée pour "mauvaise conduite", avant d'être libéré en novembre de la même année après avoir "demandé pardon". En 2011, il fait un retour en grâce lorsque le président Paul Kagamé le nomme chef des services de renseignements rwandais.
Avec AFP et Reuters