
Alors que deux gouvernements se disputent la Libye, l’organisation de l’État islamique tente de s’implanter sur le territoire. De retour de la région, Roméo Langlois, grand reporter à France 24, dresse un état des lieux de ce pays en proie en chaos.
Rivalité entre deux gouvernements, poids des milices, stratégie de l’organisation de l’État islamique (EI), inquiétude de la communauté internationale… De retour de l’ouest de la Libye, Roméo Langlois, grand reporter à France 24, revient sur les rivalités qui secouent un pays en proie au chaos. Et menacent de le faire sombrer sous la férule jihadiste.
Aujourd’hui, la Libye est un pays fracturé avec deux gouvernements rivaux. L’ONU organise des pourparlers au Maroc afin que les deux factions trouvent une issue politique à la guerre civile qui secoue le pays. Où en sont les négociations ?
Roméo Langlois : Face au péril de l’organisation de l’EI et à l’afflux de migrants qui tentent de gagner l’Europe par la Méditerranée, la communauté internationale fait tout pour que les deux autorités s’entendent et puissent créer un gouvernement d’union nationale. Les négociations qui sont menées au Maroc sont difficiles mais avancent. Les Nations unies espéraient qu’un accord soit trouvé avant le ramadan mais cela n’a pas été possible.
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Mais ce qui est intéressant, c’est que sur le terrain, des groupes armés locaux, des milices de Misrata ou de Zintan, parviennent parfois à des cessez-le-feu. Durant mon séjour, il n’y avait pas, ou très peu, de combats. Pour l’instant, ces accords de trêve tiennent mais ils sont très volatils. Comme me le disait un journaliste sur le terrain, il suffit qu’un pétard explose sur la ligne de front pour qu’une guerre sans merci reprenne.
L’organisation de l’EI est-elle bien installée en Libye ?
Les membres de l’organisation de l’EI ont implanté des cellules un peu partout dans le pays. Ils y travaillent depuis un an. Mais le bastion de l’EI, c’est la ville de Syrte, sur la Mer Méditerranée. Cette zone intéresse l’organisation car il s’agit d’abord d’une région pétrolière. Ensuite, parce que c’est une région qui compte de nombreux déçus de la révolution et de pro-Khadafi qui peuvent facilement rejoindre ses rangs. Et enfin parce qu’aucun groupe jihadiste n’était encore présent dans cette zone.
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La question, aujourd’hui, est de savoir si les autorités de Tripoli sont capables de combattre l’EI. Le groupe dispose de nombreux hommes et de nombreuses armes mais ne propose pas encore une aide logistique suffisante sur le terrain pour permettre aux combattants de mener une grande offensive. Selon de nombreux observateurs, il pourrait s’agir toutefois d’une question de jours, peut-être de semaines. Les milices de Misrata sont en tout cas prêtes à y aller car elles ne souhaitent pas laisser l’EI grossir dans la région.
L’EI a-t-elle de véritables visées en Libye ?
L’EI réfléchit encore à la stratégie à adopter en Libye. L’organisation est composée de Libyens et de très nombreux combattants étrangers qui viennent de Tunisie, d’Irak, de Syrie et de pays limitrophes comme le Soudan et le Mali. Elle essaie de s’étendre sur le territoire en tentant de convaincre les locaux de rejoindre le jihad international. Mais elle n’y parvient pas car, selon le gouvernement de Tripoli, les Libyens, par essence, ne sont pas extrémistes et ont une lecture traditionnelle du Coran qui n’est pas celle "vendue" par les jihadistes.
L’EI cherche donc à rallier le maximum de milices islamistes mais, surtout, à précipiter une intervention des pays occidentaux afin de faire de la Libye une terre de jihad au cœur du Maghreb, à quelques centaines de kilomètres seulement des côtes européennes. Reste à savoir si la communauté internationale, l’Union européenne et les Américains vont tomber dans le piège.
Les reportages de Roméo Langlois seront bientôt diffusés sur les trois canaux de France 24 ainsi que sur le site Internet.