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L'Arménie participe aux Jeux européens en Azerbaïdjan, un pays avec lequel elle entretient un conflit armé depuis plus de 25 ans dans la région frontalière du Haut-Karabakh. Les athlètes arméniens subissent la pression dans cette compétition.
Ils sont 25 sportifs d'Arménie à être entrés dans ce pays ennemi. Les deux nations se disputent depuis vingt-cinq ans la région du Haut-Karabakh, dans un conflit qui a fait 30 000 morts et exacerbe les haines entre Bakou et Erevan. Et à chacune de leur apparition dans une compétition, ils ont droit à des cris hostiles ou des pouces baissés en signe de mise à mort.
La délégation arménienne est en fait tenue au secret, et a pour consigne de se montrer le moins possible. Le ton a été donné dès la cérémonie d'ouverture, vendredi 12 juin. La délégation arménienne, sans athlète et uniquement composée d'officiels, est entrée dans le stade sous les sifflets. Et sur la place des drapeaux, celui de l'Arménie n'a pas été hissé.
C'est dans la discipline de la lutte que les tensions sont les plus vives, tant ce sport est cher aux deux pays. À Bakou, les lutteurs arméniens sont escortés en permanence par des gardes du corps, y compris quand ils quittent le tapis après avoir combattu. Leur bus est encadré de deux voitures de sécurité.
Cette ambiance pesante a conduit certains sportifs à renoncer à représenter leur pays. Les lutteurs Arsen Julfalakian et Artur Aleksanian, tous deux médaillés aux Jeux Olympiques 2012, ont ainsi renoncé à franchir la frontière. Julfalakian reste marqué par les championnats du monde de lutte organisés en Azerbaïdjan en 2007. "On était comme des prisonniers, même pour aller à la salle de bain… Nous étions coupés du public, on n'avait pas le droit d'aller en ville", a-t-il raconté à Radio Free Europe. "Ils avaient mis un drapeau turc sur notre bus en nous disant que c'était pour éviter toute attaque", a-t-il rappelé, alors qu'une inimitié centenaire oppose la Turquie à l'Arménie en raison du génocide de 1915.
Migran Arutyunyan, lui, a choisi de combattre. En finale de la catégorie des moins de 66 kg, lundi, il a été battu par le Russe Artem Surkov, bruyamment soutenu par le public alors que l'Arménien subissait les sifflets des 7 000 spectateurs. "Je savais déjà que ce serait comme ça, quand je suis arrivé. C'est très difficile de combattre dans ces conditions. J'ai fini par ne plus entendre que ces cris, regrette Arutyunyan. Mais c'était très important d'être ici, pour mon pays et pour moi. L'Arménie attend énormément de nous ici", ajoute Migran Arutyunyan, qui a réussi à décrocher la première médaille de ces Jeux pour l’Arménie.
L'Azerbaïdjan en force
Né arménien, le lutteur Artak Margaryan a été naturalisé Français et combat pour la France, où il est arrivé à l'âge de 12 ans. "J'ai peur. Et je n'ai pas peur de quelqu'un mais de tout un peuple!", a assuré ce lutteur âgé de 25 ans..
"On ne sait jamais, si je tombe sur les parents d'un soldat qui a été tué à la frontière... En 2007, il y a eu les Mondiaux à Bakou et des lutteurs arméniens ont reçu des bouteilles en verre sur le crâne", raconte Margaryan, qui a demandé à ne jamais rester seul dans sa chambre et a été copieusement sifflé lundi lors de sa journée de combat.
Malgré cette ambiance pesante, le patron de l'organisation des Jeux de Bakou, le Britannique Simon Clegg, veut positiver : "Vu les difficultés entre les deux pays, le seul fait que l'Arménie participe démontre bien le pouvoir qu'a le sport", a –t-il déclaré.
Thomas Bach, président du Comité international olympique, tient un discours similaire et juge très importante la participation de l’Arménie à ces Jeux. "Nous avons vu des athlètes russes défiler aux côtés d’athlètes ukrainiens. Nous avons vu défiler les équipes serbe et kosovare, et nous avons vu la délégation arménienne aux côtés de ses hôtes d’Azerbaïdjan. Tel est le pouvoir du sport : rapprocher les peuples, quelles que soient leurs origines, leurs croyances ou leurs nationalités. Voici ce dont le sport est capable, et peut-être est-il le seul à pouvoir le faire", a déclaré Thomas Bach après l’inauguration de cette compétition.
Sur le plan sportif, l’Azerbaïdjan n’a en tout cas rien à craindre de l’Arménie. Avec 285 membres, la délégation locale brille dans toutes les disciplines et occupe actuellement la deuxième place du tableau des médailles, derrière la Russie. Les 25 représentants arméniens auront donc bien du mal à rivaliser. Mais tous rêvent de décrocher une médaille d’or pour réussir à faire retentir l’hymne de leur pays au cours de ces Jeux inédits qui prendront fin le 28 juin.
Avec AFP