Le "plaider coupable" pourrait faire son entrée dans le Code pénal. C'est ce que suggère le comité Léger, chargé de faire des propositions en vue de la réforme de la procédure criminelle. L'idée a provoqué un tollé chez les magistrats.
REUTERS - L'idée de réformer la procédure criminelle française en introduisant notamment un "plaider coupable" avec peine allégée à la clé dans les procès d'assises déclenche la colère des syndicats de magistrats.
Le Syndicat de la magistrature (SM, gauche) juge mercredi ce projet "aberrant". L'Union syndicale de la magistrature (USM, majoritaire) voit le comité de réflexion qui avance cette idée en "apprenti sorcier".
Le projet n'a pas encore d'existence officielle, la commission dirigée par le juriste Philippe Léger devant rendre son rapport fin juin ou début juillet. Le ministère de la Justice "n'infirme ni ne confirme" les conclusions contestées.
"Il appartient maintenant au gouvernement, à la garde des Sceaux de se prononcer sur cette question", a dit le porte-parole du gouvernement Luc Chatel.
"Il est prématuré pour ma part que je vous donne aujourd'hui les orientations du gouvernement en la matière. Ce sera à la garde des Sceaux et ce sera au président de la République et au Premier ministre de s'exprimer sur ce sujet", a-t-il ajouté.
Selon plusieurs médias, la commission est parvenue à un accord sur l'idée de permettre à une personne accusée d'un crime de plaider coupable en échange d'une peine allégée.
Une procédure modifiée en profondeur
Cette procédure serait limitée à certains cas et requerrait l'accord du procureur. Le procès aurait toujours lieu et la cour prononcerait le verdict, mais l'audience se limiterait à l'examen de personnalité et des circonstances du crime.
Une réforme plus large est envisagée, avec l'obligation de motiver les arrêts, qui actuellement sont rendus sans attendus, ce qui pourrait être contraire aux règles européennes.
Il est en outre envisagé de faire juger les dossiers en première instance par un "tribunal criminel" uniquement composé de magistrats, les jurés populaires n'arrivant qu'en appel. Enfin, le rôle du président, magistrat indépendant, serait limité à celui d'un "arbitre" à l'américaine, le procureur présentant les charges à sa place.
"On ne peut raisonner en matière judiciaire sur la base de la rentabilité ou de la productivité. Si on fait cela, on change de système", a déclaré à Reuters la présidente du Syndicat de la magistrature, Emmanuelle Perreux.
"Ce sera au détriment des règles du procès équitable, du contradictoire, du débat. C'est de la justice managériale", a-t-elle ajouté. Est en particulier redouté le risque de voir des innocents avouer pour réduire la peine encourue.
Doutant "du sérieux de cette commission", Christophe Régnard, président de l'USM, la considère comme un "apprenti sorcier de la procédure pénale".
Une procédure de plaider coupable inspirée du droit américain existe déjà depuis 2004 en France pour les petits délits, notamment routiers. Le procureur propose une peine aux délinquants qui avouent, et le tribunal doit ensuite homologuer, sans audience publique, ou renvoyer à une audience ordinaire.