
Après l'émotion suscitée par les évacuations successives des migrants de La Chapelle, dans le nord de Paris, la maire Anne Hidalgo a annoncé envisager la création d'un lieu d'accueil. Les associations restent sur leurs gardes.
Paris, ville refuge ? Depuis l'évacuation, le 2 juin, du campement sous le métro aérien de La Chapelle, où plus de 350 migrants, principalement soudanais et érythréens, s'entassaient depuis des mois dans des conditions indignes, la capitale est plutôt devenue le terrain d’un jeu de chat et de la souris entre clandestins et policiers. Et ce ne sont pas les premiers qui gagnent.
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Sans solution de logement pérenne, de nombreux migrants sont revenus dans le nord parisien, dès le lendemain de l’évacuation. Certains ont été délogés du parvis de l’église Saint-Bernard le week-end dernier, d'autres expulsés manu militari de la halle Pajol, dans le XVIIIe arrondissement, lundi. Malgré la violence de l’opération policière, dénoncée par des associations et par l’extrême gauche, des migrants sont restés dans le quartier, où ils ont passé la nuit de mardi à mercredi dans le jardin associatif "Bois Dormoy".
Un lieu pour "se reposer et s'orienter"
Au lendemain de l'opération du 8 juin, la maire de Paris, Anne Hidalgo a annoncé sur BFMTV étudier "avec l’État" la possibilité d’ouvrir "un centre d’accueil", qui pourrait être opérationnel dans les semaines à venir. Ce centre serait un "guichet unique d'accès au droit", permettant aux migrants qui songent à demander l’asile en France d'obtenir des informations sur les procédures administratives.
Il servira aussi de "d'hébergement temporaire" pour une quinzaine de jours. "Ensuite, les migrants seront orientés vers les structures de l'asile pour ceux qui le souhaitent et ceux qui préfèrent poursuivre leur route auront eu un lieu pour se reposer", explique à France 24 Dominique Versini, adjointe au maire chargée des questions relatives à la solidarité et à la lutte contre l'exclusion.
Les associations d'aide aux migrants seront mandatées pour gérer le centre, ajoute Dominique Versini. "Nous travaillons avec les services de l'État et les associations pour apporter une solution positive et constructive et éviter de voir se reproduire ce qu'il s'est passé le 8 juin à la halle Pajol", explique l'élue.
Un centre de transit
Pierre Henry, directeur de France terre d’asile, confirme en "discuter" avec la Ville, à qui il pose déjà des garde-fous."Il faut que cela reste un centre de transit, sinon cela va devenir un centre de stockage et les migrants risquent d’y être confinés sur une longue durée", redoute-t-il, tout en appelant à une solution concertée à un niveau national.
"Le projet est tout à fait faisable s’il s’insère dans un plan cohérent au niveau national", explique Pierre Henry. "Paris ne doit pas être seul aux prises avec la question, sinon cela ne marchera pas car la problématique ne va pas cesser de se renouveler", poursuit-il.
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Ce n’est pas la première fois – et probablement pas la dernière – que Paris et sa petite couronne se trouvent débordées par un afflux massif de migrants, incapables de proposer un dispositif cohérent d’hébergements d’urgence. Plus de 100 000 migrants et réfugiés sont arrivés en Europe depuis le début de l'année via la Méditerranée, a relevé mardi le Haut Commissariat de l'ONU pour les réfugiés. Et rien ne permet de penser que ce flux va se tarir.
Asile ou pas asile ?
Originaires essentiellement d'Afrique subsaharienne et du Moyen-Orient, ces migrants fuient la violence et les conflits, s'efforçant de gagner l'Europe à la faveur du chaos en Libye. Tous n’ont pas la France comme objectif : beaucoup préfèreraient rejoindre la Grande-Bretagne ou l'Allemagne. Parmi les personnes évacuées de La Chapelle, 277 n'ont pas souhaité demander l'asile, selon le préfet d'Île-de-France, Jean-François Carenco.
Les associations ne voient pas les choses de la même manière. Parmi les migrants évacués, beaucoup n’ont tout simplement pas fait confiance aux autorités, craignant d’être expulsés. Ils ont donc refusé de monter dans les bus mis à disposition le jour de l’expulsion et se sont échappés. Cela ne veut pas dire pour autant qu’ils refusent tous l’asile, comme l’explique Marie Lindemann, coordinatrice juridique de l'Association service social familial migrants (Assfam), une association qui aide les migrants du centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes. Interpellés dans le XVIIIe arrondissement ou à proximité, à la gare du Nord, une quarantaine de sans-papiers y ont été amenés depuis une semaine.
"Mardi dernier, sur les 24 migrants enfermés dans le CRA de Vincennes – dont des Érythréens, des Soudanais et deux Éthiopiennes – la grosse majorité sont demandeurs d’asile", certifie-t-elle à France 24. Les autres veulent souvent rejoindre des proches en Grande-Bretagne ou aux Pays-Bas. "Mais comme ils ne connaissent pas le droit, ils ne mesurent pas forcément les conséquences d'un refus de demande d'asile", poursuit-elle. Notamment les risques d'expulsion, qui sont toutefois minimes vers la Corne de l'Afrique, voire impossible vers l’Erythrée.
Le centre proposé par Anne Hidalgo permettrait justement aux migrants de se voir exposer clairement les options à leurs dispositions. "Mais rien n’est fait et cela peut-être long", prévient Marie Lindemann, qui reste méfiante :"Ces personnes viennent de pays à risque et sont en demande de protection. La solution n’est pas de les enfermer mais de les aider".