logo

Nucléaire iranien : qu'est-ce que le "snapback" des sanctions à l'ONU ?
Le mécanisme inédit visant à obliger le Conseil de sécurité de l'ONU à rétablir les sanctions internationales contre l'Iran pour non-respect de ses engagements nucléaires doit intervenir samedi soir. Explications.
Les États membres de l'ONU sont tenus de restreindre l'accès aux services bancaires et financiers susceptibles d'aider le programme nucléaire iranien. © Présidence iranienne, AFP/File

Il doit intervenir samedi à minuit GMT. Le "snapback" est un mécanisme inédit visant à obliger le Conseil de sécurité de l'ONU à rétablir les sanctions internationales contre l'Iran pour non-respect de ses engagements nucléaires. Les puissances occidentales et Israël accusent en effet Téhéran, qui dément, de chercher à se doter de la bombe atomique.

  • Comment fonctionne le "snapback" ?

En 2015, le Conseil de sécurité de l'ONU a entériné – via la résolution 2231 – le pacte connu sous l'acronyme JCPOA (Joint Comprehensive Plan Of Action) qui prévoit un encadrement des activités nucléaires iraniennes en échange d'une levée des sanctions qui pèsent sur le pays. Le JCPOA a été signé à Vienne par la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne (le groupe "E3"), ainsi que les États-Unis, la Russie et la Chine.

Cette résolution 2231 inclut une clause présentée comme une innovation diplomatique majeure, permettant de réimposer ("snapback" en anglais) de manière automatique les mesures punitives contre l'Iran, en cas de violation flagrante du JCPOA. C’est-à-dire sans possibilité pour les membres du Conseil de sécurité d'y mettre un veto.

Concrètement, un des pays signataires de l'accord peut saisir le Conseil de sécurité s'il juge que l'Iran ne respecte pas ses engagements.

À partir de ce moment, un délai de 30 jours débute, au terme duquel si aucune résolution n'est adoptée pour prolonger la levée des sanctions, elles sont de nouveau appliquées.

  • Pourquoi l'"E3" veut-il l'activer ?

Le 28 août, les chefs de la diplomatie de l'"E3" ont déclenché le "snapback", après avoir dressé une liste des engagements violés par l'Iran, dénonçant en particulier l'accumulation d'un stock total d'uranium enrichi, "plus de 40 fois" supérieur à la limite fixée par le JCPOA. 

De fait, l'accord – qui arrive par ailleurs à échéance le 18 octobre – est devenu caduc à la suite du retrait unilatéral des États-Unis en 2018, sous l'impulsion de Donald Trump.

Jugeant le pacte rompu, l'Iran s'est progressivement affranchi de ses engagements et la situation s'est encore dégradée après la guerre de 12 jours lancée mi-juin par Israël, suivi des États-Unis, qui ont bombardé les installations nucléaires iraniennes.

Les pourparlers américano-iraniens engagés en avril ont été interrompus, tandis que Téhéran a officiellement suspendu sa coopération, déjà limitée, avec l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Début septembre, l'Iran et l'AIEA ont annoncé être parvenus à un nouvel accord de coopération, et vendredi soir, ils ont affirmé que des inspecteurs du gendarme onusien avaient repris leur travail en Iran.

  • Que dit Téhéran ?

Si les pays européens ont tenté de relancer le pacte via des négociations et s'estiment "clairement et sans ambiguïté juridiquement fondés" à enclencher la clause, tel n'est pas l'avis de Téhéran.

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, a estimé vendredi soir que les Européens avaient ignoré les efforts de son pays.

Le président iranien, Massoud Pezeshkian, a lui accusé les États-Unis de mauvaise foi, et réaffirmé que son pays "n'a jamais cherché" à se doter de l'arme atomique. Vendredi, il a cependant exclu de quitter le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), une menace évoquée.

  • Quel impact concret pour la République islamique ?

Concrètement, l'"E3" réenclencherait les embargos sur les armes, les équipements nucléaires et les restrictions bancaires levés il y a dix ans.

Cela ajoutera "une couche de sanctions multilatérales aux sanctions unilatérales des États-Unis déjà en place", souligne Ali Vaez, directeur du groupe Iran du centre de recherche International Crisis Group, estimant toutefois s'attendre à "un bras de fer sur leur mise en œuvre, en particulier si la Chine et la Russie, qui s'y opposent, tentent de freiner leur exécution bureaucratique".

Pour Kelsey Davenport, directrice de la politique de non-prolifération de l'Association pour le contrôle des armements, "les mesures de l'ONU auront peu d'impact économique, compte tenu de l'ampleur des sanctions américaines et européennes déjà en place".

Mais elles pourraient aboutir à une "escalade de représailles" entre l'Iran et les États-Unis "sans une stratégie diplomatique viable".

Avec AFP