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"Ils ne pouvaient pas voir sur qui ils tiraient" : à Madagascar, des manifestants ciblés
À Antananarivo jeudi, des manifestants ont été pris pour cible par les forces de l’ordre lors d’une mobilisation contre les coupures d’eau et d’électricité. Parmi eux, nos Observateurs dénoncent une répression violente et disproportionnée : grenades lacrymogènes lancées à proximité, voitures fonçant sur la foule, blessures et panique généralisée.
Ces captures d’une vidéo tournée le 25 septembre 2025 à Antananarivo, la capitale malgache, montrent deux gendarmes lancer des grenades lacrymogènes par-dessus une porte abritant des manifestants. © Observateurs

Face aux incessantes coupures d’eau et d’électricité que subissent les habitants de Madagascar, un appel à manifester a été lancé sur les réseaux sociaux. Le rassemblement avait été interdit mercredi 24 septembre sur ordre du préfet d’Antananarivo en raison du risque de troubles à l’ordre public.

Jeudi, des habitants de la capitale ont essayé de se rassembler aux points habituels de manifestation dans la ville, mais ont été repoussés par les forces de l’ordre. Des vidéos et des images publiées par la diaspora malgache et les manifestants montrent des scènes de violences policières. Selon une source hospitalière, cinq personnes ont été tuées. Les résidences d’un député et d’une sénatrice malgaches ont été brûlées.

Après les affrontements de jeudi à Antananarivo, les autorités ont instauré un couvre-feu nocturne dans la capitale, de 19 h à 5 h du matin.

"Nous, on est venus avec des fleurs"

Notre Observateur Andry (pseudonyme) et son ami travaillent tous les deux dans la capitale malgache. Jeudi 25 septembre, ils ont essayé de rejoindre la manifestation. Repoussés par du gaz lacrymogène tiré par la police, ils se sont réfugiés dans une ruelle faite d’escaliers, où ils ont été blessés par des tirs de grenades lacrymogènes.

"Tout le monde était de bonne humeur, on était contents de retrouver beaucoup de nos amis.

C’était un mouvement pacifique, on est venus avec des fleurs, justement pour montrer qu’on n’avait pas d’armes, qu’on n’était pas là pour taper sur des gens."

Andry raconte qu’à l'approche de la place Ambohijatovo, où était prévu le rassemblement, les forces de l’ordre ont lancé des grenades lacrymogènes, provoquant un premier dispersement de la manifestation.

"On est ensuite arrivés à une sorte de croisement. J’étais vraiment au milieu de la foule avec mon ami. Et d’un coup, dans une des voies de ce carrefour, il y a un 4x4 qui nous a foncé dessus, qui a foncé littéralement sur les gens.

Ceux qui étaient devant ont commencé à courir très vite, ceux qui ont pu se mettre sur le côté ont essayé de se protéger.

Il y avait des hommes en uniforme bleu de gendarme avec des fusils et des grenades qui ont foncé sur nous. Dans la panique, on a essayé de s’échapper par une petite ruelle d’environ 1,50 m de large, faite d’escaliers. On s’est réfugiés là et, quand on est arrivés, on a fermé la porte et ils nous ont jeté des grenades assourdissantes et des grenades lacrymogènes."

Une autre vidéo publiée sur les réseaux sociaux montre un mode opératoire similaire à un autre endroit de la ville : un pick-up s’arrête, un groupe d’hommes cagoulés dans l’uniforme noir du GSIS, une unité de la gendarmerie, en descendent, lancent quatre projectiles sur des manifestants qui étaient déjà en fuite, puis se dispersent rapidement.

"Ils ne pouvaient pas voir sur qui ils tiraient" : à Madagascar, des manifestants ciblés
Captures d’une vidéo postée sur Instagram le 25 septembre 2025 et montrant un pick-up transportant une unité en uniforme de la gendarmerie malgache à Antananarivo. Un des policiers tire deux projectiles sur des manifestants. Un autre lance deux projectiles. © Instagram / gen_z_madagascar

"La première grenade a explosé entre nous"

Les policiers qui ont attaqué Andry et le groupe de manifestants réfugiés dans les escaliers ont tiré au moins deux bombes lacrymogènes par-dessus une porte fermant la ruelle, comme le montre la vidéo de la scène que raconte notre Observateur.

Des images transmises par notre Observateur et vérifiées par la rédaction des Observateurs de France 24 montrent un véhicule blanc s’arrêter devant un espace entre deux bâtiments. La dizaine d’hommes cagoulés et en uniforme bleu clair et gilet pare-balles descendent du véhicule. Cette unité semble appartenir à la gendarmerie malgache, au vu de la tenue arborée.

"Ils ne pouvaient pas voir sur qui ils tiraient" : à Madagascar, des manifestants ciblés
Ces captures d’une vidéo tournée le 25 septembre 2025 à Antananarivo, la capitale malgache, montrent deux gendarmes lancer des grenades lacrymogènes par-dessus une porte abritant des manifestants. © Observateurs

Deux grenades sont lancées, à 0:09 et 0:12. À 0:31, on voit un nuage de fumée se former au niveau de la ruelle par les deux tirs, là où étaient réfugiés les manifestants.

"Ils ne pouvaient pas voir sur qui ils tiraient" : à Madagascar, des manifestants ciblés
Capture montrant la ruelle dans laquelle s'étaient abrités les manifestants avant d’être gazés. © Observateurs

Sur une autre vidéo envoyée par notre Observateur, on voit bien les escaliers de la ruelle dans lesquels s’étaient réfugiés les manifestants et la haute porte en métal par-dessus laquelle les grenades ont été tirées. Le 4x4 des forces de l’ordre se trouvait alors de l’autre côté, dans la rue.

"Les grenades sont arrivées à peut-être 50 cm de la tête de mon ami"

"Ils ne pouvaient pas nous voir parce qu’il y avait la porte. Ils nous ont vus monter par là, mais la porte était fermée. C’est un endroit très restreint, mais ils ne pouvaient pas voir exactement sur qui ils tiraient. Ils savaient juste que nous étions là.

Ils ont balancé les grenades par-dessus la porte du couloir. Et c’est arrivé à peut-être 50 cm de la tête de mon ami et de mon bras. Il était juste derrière moi, et moi, j’étais un peu plus haut dans les escaliers."

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"Ils ne pouvaient pas voir sur qui ils tiraient" : à Madagascar, des manifestants ciblés
Vidéo montrant les gendarmes tirer des grenades lacrymogènes sur les manifestants réfugiés dans la ruelle, à Antananarivo, le 25 septembre 2025. © Observateurs
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"Ça a explosé entre moi, mon ami et une autre personne qui était juste devant moi. La porte était fermée. Dans les escaliers, il y avait énormément de monde ; on ne pouvait ni avancer ni reculer. La première grenade a explosé entre nous.

Après que ça a explosé, on est remontés. Heureusement que d’autres personnes étaient là parce qu’on n’arrivait plus à voir, à marcher, à respirer. Ils nous ont portés."

"Mon ami avait du sang qui sortait de l’oreille"

Andry a transmis à la rédaction des Observateurs des images de ses blessures et de celles de son ami. L’une le montre avec l’avant-bras blessé par un éclat de bombe lacrymogène tandis que son ami a été touché au cou et à l’épaule.

"On entendait encore des explosions dehors. On n’a pas osé bouger. On a essayé d’appeler plusieurs centres médicaux, la Croix-Rouge, etc., pour savoir quoi faire. Mon ami avait du sang qui sortait de l’oreille. On était encore très effrayés à l’idée de ressortir pour se faire soigner."

Des témoins contactés par la rédaction des Observateurs ainsi que des témoignages publiés en ligne ont fait état de tirs à balles réelles. Nous n’avons pas pu vérifier ces informations de façon indépendante. Vendredi 26 septembre, la situation semblait plus calme dans la capitale. Plusieurs quartiers commerçants et vitrines ont été pillés durant la nuit.