Plusieurs centaines de motards russes membres d’un club connu pour sa proximité avec Vladimir Poutine ont pris la route de Berlin, samedi, pour reconstituer la marche de l’Armée rouge pendant la Seconde Guerre mondiale.
"À Berlin !" Reprenant le célèbre cri de guerre de l'Armée rouge, plusieurs centaines de motards pro-Kremlin ont quitté Moscou, samedi 25 avril, dans un vacarme assourdissant de moteurs et de chants patriotiques pour un rallye de deux semaines à travers l'Europe centrale.
"Nous n'avons pas peur de l'accueil qu'on nous réserve à Berlin. Nos grands-parents n'avaient pas peur !", lance Alexeï Verechtchiaguine, un motard venu du bastion séparatiste de Lougansk, dans l'est de l'Ukraine, où il combat les forces de Kiev aux côtés des rebelles prorusses.
Comme Alexeï, plusieurs centaines d'amateurs de grosses cylindrées se sont rassemblés dans la capitale russe pour soutenir ce rallye à moto qui ambitionne de reconstituer la marche des troupes soviétiques vers Berlin, en parcourant 6 000 kilomètres à travers le Bélarus, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et l'Autriche.
L'initiative, lancée à l'approche du 70e anniversaire de la défaite de l'Allemagne nazie, émane de l'influent club de motards patriotes des Loups de la Nuit, connus pour leur proximité avec le président russe Vladimir Poutine, qui considère ses membres comme ses "frères".
"Pour la Patrie ! Pour Staline !"
La meute, avec à sa tête le fondateur du club, Alexandre Zaldostanov, plus connu sous son surnom "Khirourg" ("Le Chirurgien"), est partie brandissant des drapeaux rouges décorés d'un portrait du dictateur soviétique et d'un autre slogan de l'Armée rouge : "Pour la Patrie ! Pour Staline !"
Les organisateurs se défendent pourtant de toute arrière-pensée politique, malgré la perplexité – voire l'hostilité – qu'a suscité le projet chez les autorités dans les pays traversés. Seule une trentaine de motards pourra ainsi finir le rallye à Berlin le 9 mai, jour de célébration de la victoire sur l'Allemagne nazie en Russie, la plupart des participants s'étant vu refuser le visa Schengen.
Pour sa part, Alexandre Zaldostanov attend toujours son visa et devra revenir à Moscou pour chercher son passeport, avant de reprendre le chemin vers la capitale allemande en cas de décision positive.
"L'entrée en Allemagne est refusée à certains dirigeants des Loups de la Nuit, et des visas obtenus sous des prétextes fallacieux ont été annulés", a indiqué samedi une source gouvernementale allemande. "Nous ne croyons pas que cela serve le but d'apporter une contribution au renforcement des relations germano-russes. Il est primordial que l'anniversaire ait lieu dans la dignité", a souligné cette source.
"Je ne sais pas ce dont ils ont peur. On ne fait de mal à personne, on ne fait qu'honorer la mémoire de ceux qui sont morts pour détruire le fascisme", se défend un participant au rallye, Alexeï Magister, président d'un club lié aux Loups de la Nuit.
Les motards entendent ainsi visiter des cimetières militaires et des mémoriaux à la Seconde Guerre mondiale dans chaque pays traversé. Sur leur chemin, ils veulent aussi s'arrêter sur le site de l'ancien camp de la mort d'Auschwitz-Birkenau, installé en Pologne, occupée alors par l'Allemagne nazie puis libéré par l'Armée rouge.
"Nous ne changerons pas de chemin"
Pour la Première ministre polonaise, Ewa Kopacz, ce projet est cependant une "singulière provocation", et Varsovie a refusé de laisser entrer en Pologne ce "groupe organisé de motards", expliquant sa décision par "l'absence d'informations précises concernant le programme du séjour, les itinéraires et les lieux de repos nocturne" des participants au rallye.
Alors que Moscou a dénoncé un "mensonge évident", se déclarant indigné par ce refus, les motards semblent eux loin d'être découragés. "Nous ne changerons pas de projet, ni d'itinéraire. S'ils ne nous laissent pas entrer tous ensemble, alors nous entrerons un par un, par plusieurs endroits différents", a assuré samedi aux journalistes Alexandre Zaldostanov. "Si nous renonçons à ce rallye, alors il faut aussi renoncer à tout le reste : le 9 mai [fête de la Victoire en Russie], les tombes de ceux qui ont péri (...), à la mémoire, à notre histoire et à toutes nos valeurs", souligne-t-il.
Le club des Loups de la Nuit a été créé en 1989 peu avant l'implosion de l'Union soviétique et compterait plus de 5 000 membres dans toute l'ex-URSS. Ils se sont notamment illustrés en Crimée peu avant son annexion par la Russie en mars 2014 ou dans l'est de l'Ukraine, où plusieurs membres du club ont rejoint les combattants rebelles.
AFP