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Des dizaines de milliers d'Irakiens ayant fui l'EI bloqués aux portes de Bagdad

Fuyant les combats contre les jihadistes dans la province d'Anbar, plus de 90 000 personnes tentent de gagner Bagdad. Mais les autorités irakiennes veulent contrôler l'afflux de déplacés en imposant des conditions à l'entrée dans la ville.

Les combats contre les jihadistes de l'organisation de l'État islamique (EI) autour de Ramadi, à l'ouest de Bagdad, ont jeté sur les routes près de 100 000 personnes.

"Les organisations humanitaires tentent d'apporter leur soutien à plus de 90 000 personnes fuyant les combats dans la province d'Anbar", dont Ramadi est le chef-lieu, ont récemment indiqué les Nations unies dans un communiqué.

"Notre principale priorité est de livrer de l'aide d'urgence - nourriture, eau et abris - aux populations en fuite", a indiqué Lise Grande, coordinatrice humanitaire pour l'ONU en Irak.

Mais les autorités irakiennes ont imposé des conditions strictes aux déplacés qui tentent de gagner Bagdad : ils doivent justifier d'un garant, citoyen de la ville. "Une mesure qui avait déjà été appliquée il y a plusieurs mois à Erbil, capitale du Kurdistan irakien, envers les déplacés sunnites", rappelle Wassim Nasr, journaliste à France 24, spécialiste des mouvements jihadistes.

Crainte que l'EI ne s'infiltre dans la capitale

Les critiques n'ont pas tardé à fuser, notamment de la part des religieux sunnites de la ville. Et le parlement irakien a rapidement demandé l'annulation de cette mesure. Selon un responsable irakien, cité par le site d'Al-Jazira en langue arabe, près de 16 000 déplacés ont ainsi pu entrer dans la ville, à la suite du vote des députés.

Selon Wassim Nasr, "Bagdad veut contrôler l'afflux de déplacés, probablement par crainte que l'EI n’en profite pour s'inflitrer dans la capitale". Il précise que les déplacés sont principalement des familles, personnes âgées, femmes et enfants qui ont peur de l'EI. "Les hommes de ces tribus sont probablement restés se battre contre les jihadistes de l'EI", explique-t-il.

Cette situation risque toutefois de créer de la frustration au sein des tribus sunnites de la région, dont les relations avec le pouvoir central irakien ne font qu'empirer depuis la fin 2013.

En décembre 2013, Bagdad avait en effet réprimé dans le sang la contestation antigouvernementale à Ramadi. De quoi porter le ressentiment des sunnites de la région à son paroxysme. Lors de ces évènements, le pouvoir avait en outre arrêté et condamné à mort Ahmed al-Alwani, député de Ramadi et membre d'une tribu sunnite, connu pour son soutien aux manifestants antigouvernementaux. Son frère avait été tué par les forces irakiennes lors de l'opération.

Les combats concentrés autour de Ramadi

"La situation risque ainsi de s'envenimer", estime Wassim Nasr. "Voyant les leurs malmenés par les autorités, les combattants sunnites se sentent trahis et risquent de rendre les armes ou de rejoindre les rangs de l’EI", conclut-il, rappelant que nombre de jeunes des clans sunnites de l'Anbar ont déjà rejoint les jihadistes.

De leur côté, les jihadistes de l'EI avancent dans la province. Les combats là-bas se concentrent actuellement autour de Ramadi, et dans le secteur de Garma, plus à l'est. Dès début 2014, de grandes parties de l'Anbar et certains quartiers de Ramadi étaient déjà aux mains des islamistes, bien avant l'entrée de l'EI dans Mossoul, la grande ville du nord de l'Irak, et dans d'autres secteurs sunnites du pays en juin 2014.

Au moins 2,7 millions de personnes ont été déplacées par les violences en Irak depuis le début de l'année dernière, dont un demi-million d'habitants de la province d'Al-Anbar, région aride à majorité sunnite qui s'étend de l'ouest de Bagdad aux frontières syrienne, jordanienne et saoudienne.

Après la reprise fin mars de la grande ville de Tikrit (nord) par les forces gouvernementales, aidées par les frappes aériennes de la coalition internationale, le gouvernement a affirmé que le prochain objectif serait l'Anbar.