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Les enfants de Don Quichotte délogés par la police

Les forces de l'ordre ont évacué, vendredi soir, le campement d'une centaine de tentes dressé dans le centre de Paris par l'association Les enfants de Don Quichotte qui entendait "rendre visibles" les mal-logés.

En l’espace d’une heure à peine, vers 23 heures, ce vendredi, les 80 tentes installées par l’association Les enfants de Don Quichotte sur les berges de la Seine, dans le centre de Paris, ont été démontées manu militari par les forces de l’ordre, et leurs occupants évacués.

Les petites tentes vertes, attachées les unes aux autres, avaient été alignées sur les pavés longeant la Seine, en face du musée d’Orsay, en fin d’après midi, par des militants et des sympathisants de l’association de défense des droits des mal-logés.

L'opération de communication a été brève mais marquante. Un vague rendez-vous avait été donné, via le site Internet de l’association, place de la Concorde, à Paris. À 18 heures, une cinquantaine de personnes étaient sur les lieux. Parmis elles, une majorité de journalistes, sceptiques : aucune trace de tentes ni du médiatique porte-parole de l’association, Augustin Legrand.

Quelques minutes plus tard, celui-ci arrive et hurle un ordre dans un mégaphone. Le petit groupe se met à courir en direction de la Seine, envahit la chaussée, provoque un embouteillage, et descend sur les quais au pas de course, sous le regard de quelques touristes, ébahis.

Les forces de l’ordre, qui toisaient la foule d'un oeil goguenard place de la Concorde, sont prises de court. Le temps qu’elles réagissent et se fraient un passage entre les voitures, Les enfants de Don Quichotte parviennent à leurs fins : emmener les caméras devant l’alignement des tentes, progressivement investies par des sans-abri et des "bien-logés" venus apporter leur soutien.

"Hélas, ce n’est que par ce type d’opérations qu’on réussit à faire parler de notre combat […], déplore en pleine course Augustin Legrand. On fait du sensationnalisme, du misérabilisme, mais nous avons d’autres choses à faire que de planter des tentes !", poursuit-il.

3, 5 millions de mal-logés, selon l’association

Depuis deux ans et demi, Les enfants de Don Quichotte se battent pour "le logement des classes moyennes et des mal-logés". Les petites tentes qu'ils ont installées sont devenues le symbole de leur combat. En décembre 2006, les frères Augustin et Joseph Legrand avaient frappé fort en en installant 200 sur les bords du canal Saint-Martin, à Paris. Elles y étaient restées près de trois mois.

Aujourd’hui, malgré une loi pour le droit au logement opposable arrachée au gouvernement après l’opération de 2006, l’association regrette que les choses n'aient pas évolué sur le terrain. "Il nous faut un plan Marshall pour le logement !", martèle Augustin Legrand. Selon lui, la France compte aujourd'hui 3,5 millions de personnes mal-logées et 100 000 sans-abri. "Les hommes politiques auxquels on a affaire ne sont pas des gens de bonne foi. C’est juste une histoire d’engagement, de volonté politique", accuse-t-il, le regard droit, presque dur.

Autour des tentes, les sans-abri se prêtent volontiers au jeu des questions-réponses. Leurs histoires sont tristement similaires. Échec scolaire, déboires familiaux ou conjugaux, chômage… Grégory , 27 ans, vit dans la rue depuis 10 ans. "Appeler le 115 [le numéro de téléphone d'urgence du samu social de Paris, NDLR] à 7 heures du matin, ça ne suffit pas", raconte-t-il. Des foyers d’urgence, il en connaît un paquet. "Augustin Legrand, c’est ma dernière solution", poursuit-il. C’est la deuxième fois que ce jeune sans domicile fixe (SDF) participe à une opération de l’association. "J’aimerais avoir un réchaud et un endroit avec un petit placard pour ranger mes affaires…", confie-t-il.

Discrètement, les forces de l’ordre se sont déployées autour du site occupé, après avoir bouclé les quais. "Si on se fait déloger, on reviendra", prévient Augustin Legrand. Quatre heures plus tard, le campement étaient totalement évacué. Seules quelques affaires, témoins du mouvement, restaient, abandonnées, entassées par la police sous la passerelle de Solférino.