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Circulation alternée à Paris : la "pédagogie active" et les resquilleurs

Pour lutter contre la pollution, la circulation alternée a été mise en place, pour la troisième fois en France, lundi à Paris. Alors que Ségolène Royal a salué un "comportement citoyen", nombre d’automobilistes ne se sont pas pliés à la mesure.

La circulation alternée, mise en place lundi 23 mars à Paris et dans 22 communes limitrophes saturées par la pollution, a provoqué des "comportements citoyens" chez les automobilistes, a estimé la ministre de l'Écologie, Ségolène Royal. La mesure, qui autorise seulement les voitures aux plaques d’immatriculation impaires à circuler et impose la gratuité des transports en commun, a selon la préfecture de police (PP) globalement été respectée. "Environ 90 % des véhicules en circulation dans la capitale seraient des véhicules autorisés à circuler", a précisé la PP, à la mi-journée.

La mesure, mise en place au terme d’un bras de fer entre le gouvernement et la mairie de Paris, ne sera cependant pas reconduite mardi, a annoncé Ségolène Royal, "en raison d'une amélioration de la situation aujourd'hui et demain". Selon Airparif, l'organisme chargé de la surveillance de la qualité de l'air en région parisienne, la situation va s'assainir mardi à la faveur du retour de la pluie.

La "bonne foi" des automobilistes

Toutefois, malgré l’enthousiasme de Ségolène Royal, force est de constater que nombre de voitures "paires" ont roulé dans les rues de la capitale lundi. En cause : les nombreuses exceptions à la mesure - les véhicules transportant au moins trois "covoitureurs", ceux assurant des missions de service public (forces de l'ordre, pompiers), ou encore certains véhicules professionnels (commerciaux, artisans et journalistes). Mais il y avait également les resquilleurs.

À la mi-journée, la préfecture de police (PP) a affirmé avoir verbalisé 2 803 automobilistes sur 7 823 véhicules contrôlés. Lors de la précédente mise en place de la circulation alternée, le 17 mars 2014, 3 859 infractions avaient été relevées à la même heure, et plus de 5 000 sur l'ensemble de la journée. Les contrevenants doivent s’acquitter d’une amende de 22 euros et risquent une immobilisation de leur véhicule.

Dans les faits, les forces de l’ordre ont parfois fait preuve de clémence à l’égard des conducteurs contrevenants, qui invoquaient le manque d’informations sur cette mesure annoncée samedi, en dépit de la grande publicité durant le week-end. "Je n'écoute pas la radio", a indiqué un automobiliste. "Je ne regarde pas la télé", a plaidé un autre. "J’arrive de province, je ne suis pas au courant", a pour sa part assuré un troisième.

"Le zéro, c'est pair ou impair ?"

Des excuses que les forces de l’ordre - 750 dans une centaine de points de contrôle à l'intérieur ou aux portes de Paris - ont eu pour consigne de juger avec "discernement".

Ainsi, lorsque des questions incongrues telles que "le zéro, c'est pair ou impair ?" se sont présentées, certains agents de police ont préféré s’abstenir de trancher. "Je ne m'occupe pas du zéro", a répondu, visiblement embarrassé par la question, un motard de la police au conducteur qui, soulagé, a continué son chemin. Pour information, les plaques se terminant par zéro sont considérées comme paires.

La préfecture de police s’est en effet engagée à prendre en compte la "bonne foi" des automobilistes. Après 1997 et 2014, il s’agit seulement de la troisième fois que les autorités françaises se frottent à cet exercice. Ce lundi, comme en 2014 , des loueurs de voiture opportunistes ont de leur côté proposé des véhicules avec des plaques d'immatriculation impaires.

Amateurisme

Des comportements auxquels réagissent calmement les forces de police. "Le maître mot, c'est ‘pédagogie active’, a expliqué à l’AFP le commandant Jean-Pierre Meutelet, chef de service des compagnies centrales de circulation à la PP. On verbalise les personnes les plus récalcitrantes ou ceux qui se moquent de nous."

Car l’écologie est un sujet sérieux, que Paris entend incarner à l’échelle mondiale, lors de la conférence sur le climat prévue fin 2015 dans la capitale. Ainsi, si le but affiché de cette opération ponctuelle est de lutter contre des particules fines persistantes, la mesure entend sensibiliser plus largement les automobilistes au défi environnemental, en les appelant à faire preuve de citoyenneté.

"Il y a un amateurisme dans cette mesure qui est à critiquer mais pas à dénoncer", explique pour sa part François-Michel Lambert, député EELV des Bouches-du-Rhône, contacté par France 24. Si ce dernier plaide pour une politique plus globale d’aménagement du territoire et de sortie du tout diesel pour lutter contre la pollution, il relève l’efficacité de la circulation alternée. La préfecture de police a constaté une "diminution très significative du trafic (et donc de la pollution) dans la capitale et sur les voies d'accès à celle-ci" ainsi qu’une réduction de 25 à 40 % de la longueur moyenne des bouchons.

"Il va nous falloir peut-être 10 ou 20 ans pour sortir d’un demi-siècle de délire autour de la voiture", lance le député. "Georges Pompidou disait au début des années 1970 : ‘La ville doit être construite autour de la voiture’ , poursuit-il. C’est une ineptie ! D’ailleurs, on le voit par exemple avec Marseille : c’est la seule ville au monde où une autoroute finit en centre-ville. Il faut repenser tout cela."