Fuyant les violences domestiques et la tyrannie des lois coutumières, les femmes afghanes cherchent de plus en plus d’aide auprès des quelques centres d’accueil que compte le pays.
Quatre ans après avoir fui le calvaire de sa vie passée – les coups quotidiens, les sévices physiques et sexuels – Farida*, âgée seulement de 14 ans, murmure que ses poignets lui font encore un peu mal.
Les bras posés sur son cartable, elle relève les longues manches de son uniforme scolaire beige pour découvrir son poignet droit.
La peau porte encore les stigmates de son martyre. Enchaînée dans une pièce où on l’avait abandonnée, la jeune fille a vécu "comme un animal".
Farida n’avait même pas 8 ans quand son père, qui avait eu une aventure avec une femme, l’a donnée à un homme de 27 ans. Au nom du "baad".
Le "baad" est une loi coutumière qui est encore largement respectée en Afghanistan. Elle permet de résoudre un conflit par le paiement d’une dette à la suite d’un comportement déplacé. Le plus souvent, la réparation implique le don d’une jeune fille à la famille de la victime.
Mais Farida ne souhaite pas se souvenir de ces jours difficiles. Elle se considère chanceuse car elle a réussi à fuir et vit maintenant dans un foyer pour femmes victimes de violence domestique – l’un des rares centres dans ce pays, où la violence contre les femmes est répandue et largement ignorée.
Plus de huit ans après la chute du régime des Taliban, la situation des femmes afghanes donne des frissons. Mais dans certaines poches du pays, le mouvement de défense des droits des femmes commence à faire front, soutenu par des ONG internationales et aidé par un petit groupe de femmes afghanes avocates, fonctionnaires, politiciennes ou citoyennes ordinaires.
Leurs avancées sont autant de petits pas en direction des droits des femmes qui font rarement les titres des journaux, davantage préoccupés par la guerre qui secoue le pays.
“Dans les régions d’Afghanistan où les Taliban sont présents, il n’y a pas eu de changements visibles concernant le statut de la femme, explique Nisha Varia, directrice adjointe du département des droits de la femme à l’organisation Human Rights Watch. Mais dans d’autres régions, particulièrement dans l’Ouest, le Nord, et à Kaboul, il y a des améliorations sensibles."
“Personne ne sait ce qu’est un centre"
Il y a huit ans, la prison des femmes de Kaboul était pleine de détenues embastillées pour avoir fui leur domicile et leur mari. Aujourd’hui, le ministère afghan pour les femmes et le Comité indépendant pour les droits de l’Homme, ainsi que les policiers, ont la possibilité de rediriger ces dossiers vers les quelques refuges que compte le pays.
Ces centres sont loin de suffire à combler les besoins et n’existent qu’en dehors des zones du Sud-Est contrôlées par les insurgés talibans.
Même à Kaboul, l’existence de ce genre de refuges reste sensible.
Le centre géré par l’organisation WAW, où vit Farida, se trouve dans un quartier résidentiel de Kaboul, à l’intérieur d’une maison cachée par de hauts murs.
"L’emplacement de notre centre est sécurisé, secret et confidentiel", affirme Huma Safi, la directrice du programme WAW, une ONG qui gère des refuges à Kaboul, à Mazar-e-Sharif, la grande ville du Nord, et dans la province orientale de Kapisa. "Personne ne sait ce qu’est un centre."
Retrouvez la deuxième partie “Quand les filles paient pour les péchés des homes” en cliquant ici.
*Le prénom a été changé.