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Intel fera appel de sa condamnation à une amende record par l'UE

Reconnu coupable d'abus de position dominante par la Commission européenne, le numéro un mondial des microprocesseurs, l'Américain Intel, a décidé de faire appel de l'amende de 1,06 milliard d'euros qui lui a été infligée.

AFP - Après neuf ans d'enquête, la Commission européenne a infligé mercredi une amende record de 1,06 milliard d'euros au numéro un mondial des microprocesseurs, l'américain Intel, condamné pour avoir illégalement écarté du marché son concurrent AMD.

Intel a annoncé qu'il ferait appel de cette amende, la plus élevée jamais imposée à une entreprise par la Commission européenne.

Intel bat en effet le record de Microsoft, condamné l'an dernier à payer 899 millions d'euros. L'ardoise cumulée du géant américain des logiciels, dans le collimateur de Bruxelles depuis des années, reste toutefois bien supérieure, à 1,676 milliard d'euros.

"Intel a causé du tort à des millions de consommateurs européens en cherchant délibérément à exclure les concurrents du marché des puces informatiques pendant des années", s'est insurgée la commissaire à la concurrence, Neelie Kroes.

Pour Michel Debroux, avocat chez Hogan and Hartson, "l'amende est importante, sévère, mais pas hors de proportion. Cela ne devient un record que parce que le marché est particulièrement important."

Tout tourne autour du composant clé des micro-ordinateurs: le micro-processeur, qui représente un marché mondial de 22 milliards d'euros dont 70% détenus par Intel.

D'octobre 2002 à décembre 2007, Intel a utilisé "des actions illégales" pour "préserver sa part de marché, au moment où son seul rival significatif, AMD, représentait une menace croissante", selon Neelie Kroes.

Concrètement, il a accordé des remises occultes aux fabricants d'ordinateurs qui s'engageaient à ne pas acheter les puces d'AMD ou les a payés pour qu'ils retardent le lancement de produits contenant des processeurs concurrents.

Acer, Dell, HP, Lenovo et NEC sont concernés à un degré ou un autre. Un grand distributeur d'électronique, MediaMarkt, a aussi été payé pour ne vendre que des ordinateurs équipés de processeurs Intel.

AMD s'était étonné dans le passé que même à Dresde en Allemagne, où il a un site de production, le magasin local n'ait pas ses produits en rayon. Un fabricant d'ordinateur a aussi refusé des puces offertes gratuitement par AMD, de peur de perdre les remises accordées par Intel.

Au final, cela s'est traduit par moins de choix et des prix plus élevés pour les consommateurs, et moins d'innovation, selon Neelie Kroes.

Elle a néanmoins renoncé à sanctionner MediaMarkt et les fabricants d'ordinateurs, "eux-mêmes des victimes".

"La Commission marche sur des oeufs" car elle touche à "un sujet qui fait l'objet de débats intenses" en droit de la concurrence, la légalité des rabais, explique Michel Debroux. "Elle ne conteste pas le principe des remises, mais les conditions auxquelles elles sont accordées."

Giuliano Meroni, président régional d'AMD dont des plaintes répétées en 2000, 2003 et 2006 ont déclenché l'enquête de Bruxelles, a salué une sanction qui "va transférer le pouvoir d'un monopole abusif vers les fabricants d'ordinateurs, les revendeurs et avant tout les utilisateurs de PC".

Satisfecit aussi de l'association européenne de consommateurs Beuc, dont la directrice générale, Monique Goyens, estime toutefois que "les consommateurs ont payé trop cher leurs ordinateurs".

Elle estime nécessaire des mécanismes de dédommagement, un sujet sur lequel travaille la Commission.

En revanche, Intel assure que "les consommateurs n'ont absolument pas souffert".

Pour son vice-président Bruce Sewell, Bruxelles raisonne sur des "bases fausses". Et il n'y a "aucune preuve" que les pratiques d'Intel ont entraîné des prix plus élevés pour les consommateurs et moins d'innovation.

Le groupe américain a déjà été condamné pour des faits similaires au Japon et en Corée du Sud, et des enquêtes sont ouvertes aux Etats-Unis.