À la veille de l’ouverture du Salon de l’agriculture à Paris, la Confédération paysanne dénonce 29 projets de "fermes-usines" en France. Ces super-exploitations pourraient avoir des conséquences sociales et environnementales importantes.
Des "fermes" aux méthodes d’agriculture en rupture totale avec le modèle français d'élevage familial : c’est ce que dénonce activement la Confédération paysanne qui, carte à l’appui, révèle, vendredi 20 février, l’existence ou la création de 29 exploitations agricoles démesurées en France. Un coup de gueule retentissant alors que le 52e Salon de l’agriculture, placé sous le signe de "l’agroécologie", s’ouvre samedi à Paris.
"Il y a le salon-vitrine qui commence. Nous, on veut montrer que cette vitrine n’est pas fidèle à la réalité", déclare le porte-parole de la Confédération, Laurent Pinatel, à France 24. Selon ce militant, ces projets aboutiront à la production de "produits standard, sans goût, aseptisés". "Ce ne sera plus la France de la gastronomie", tonne-t-il.
Parmi les 29 exploitations d’envergure – ou projets d’exploitation – dans le collimateur de la Confédération paysanne figurent une exploitation laitière à Monts (Indre-et-Loire) capable d’accueillir 2 200 animaux, une installation de 23 000 porcelets à Trébrivan (Côtes d'Armor) et à Poirou (Vendée), ou encore un élevage d’1,2 million de volailles à Pamproux (Poitou-Charentes).
"Nous nous sommes aperçus qu'il y avait aussi des fermes usines végétales", comme ce projet de serres de tomates hors-sol sur 40 hectares en Charente-Maritime, alors que "2-3 hectares, c'est déjà beaucoup en maraîchage", a par ailleurs expliqué Laurent Pinatel à l’AFP.
"Tous les deux jours, il y a un paysan qui se suicide"
Ces exploitations sont pensées selon le même modèle que la très controversée "ferme des 1 000 vaches" en Picardie, inspirée des étables géantes existant en Allemagne, au Danemark ou aux Pays-Bas, des pays au climat rude bénéficiant de peu de pâtures. À titre d’exemple, en France, près de la moitié des troupeaux laitiers dépassent actuellement à peine cinquante bovins.
Outre ces proportions affolantes, le syndicat fondé par José Bové dénonce un projet industriel pouvant avoir des conséquences sociales, environnementales et sanitaires importantes. En Bretagne, par exemple, région déjà touchée par les algues vertes, la Confédération dénonce un risque de pollution de l’eau et une diminution notable des emplois dans le secteur.
Par ailleurs, ces fermes géantes menacent les paysans. "Le gouvernement fait le choix d'une agriculture de production sans producteurs", indique la Confédération, évoquant le fait que beaucoup de ces structures font appel à des investisseurs extérieurs. "Tous les deux jours, il y a un paysan qui se suicide", alerte Laurent Pinatel.
Les fermes françaises bien en dessous des standards européens
De son côté, Dominique Barrau, secrétaire général de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles) admet une inquiétude chez les paysans mais déplore le timing choisi par la Confédération. "Ce n’est vraiment pas le moment de s’opposer", dit-il à France 24. "Il n’y a jamais eu autant de perspectives de développement dans le sens du développement durable. Il y a de la place pour tout le monde", assure-t-il, tout en rejetant le terme "ferme-usine" : "Il s’agit de moyens de produire différemment, qui permettent d’alléger la pénibilité du travail."
Dominique Barrau affirme en outre que les fermes françaises, avec une surface moyenne de 56 hectares, sont largement en dessous des standards européens. En Europe de l'Est, certaines exploitations peuvent atteindre plusieurs dizaines de milliers d’hectares, selon le Mouvement pour une organisation mondiale de l'agriculture. La France, quant à elle, dispose d'un territoire peu favorable au développement de très grandes surfaces.
Mercredi, le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll, qui doit arpenter dès samedi les allées de la Porte de Versailles, avait pour sa part réagi aux critiques envers l’agriculture industrielle. "Ceux qui disent qu'on peut [s’en passer] sont des gens qui se mentent à eux-mêmes, avait-il lancé. La ferme des 1 000 vaches, ce n'est pas mon modèle parce que derrière, c'est un investisseur et il n'y a pas d'agriculteur. Mais il ne faut pas qu'il y ait de faux débat. On sait qu'on a besoin d'une industrie agroalimentaire et on sait, pour la production d'un certain nombre d'aliments, qu'on a besoin d'une production suffisamment industrialisée pour qu'elle soit accessible."
Un argument peu convaincant, selon Laurent Pinatel. "Le ministre dit en gros que ces produits seront destinés aux pauvres, commente-t-il. Nous ne sommes pas d’accord. Tout le monde doit avoir droit à une alimentation de qualité."