
La Chine a enregistré, en 2014, sa plus mauvaise année en termes de croissance économique depuis 1990. Mais, selon plusieurs spécialistes, il faut relativiser cette "faible" croissance. Explications.
La locomotive économique chinoise commencerait-elle à manquer de carburant ? La croissance du pays n'a été que de 7,4 % en 2014, sa plus faible performance depuis 1990, a annoncé Pékin, mardi 20 janvier. Le Fonds monétaire international (FMI) a, le même jour, estimé que le PIB chinois ne devrait croître que de 6,8 % en 2015.
Pour une économie qui a connu une croissance à deux chiffres pendant plus de 20 ans, le cru 2014 semble donc être une bien mauvaise année. Ce ralentissement de la première ou deuxième puissance économique mondiale - selon les indicateurs retenus - n’est pas non plus de bon augure pour le reste du monde, embourbé dans un contexte économique morose.
Performance "impressionnante"
Mais les autorités chinoises se veulent rassurantes. Cette situation représente "un nouveau normal". Elles rappellent que la "croissance a été stable" l'an passé. Elle avait été de 7,7 % en 2013.
Jean-François Dufour, président du cabinet de conseil China DCA-Analyse, estime que les chiffres sont même plutôt bons. Il rappelle qu'"il y a 20 ans, la taille économique de la Chine était celle de l’Espagne, et tout était donc à construire, alors qu’aujourd’hui, le poids du pays est deux fois celui du Japon". En clair, la Chine actuelle ne peut pas avoir la même croissance qu'il y a dix ans et plus. "Il est même impressionnant que le PIB chinois puisse encore croître de 7 % par an", juge Jean-François Dufour.
La plus mauvaise performance de l'économie chinoise depuis les sanctions internationales qui avaient frappé la Chine après la répression du mouvement démocratique de Tiananmen, serait donc plutôt une bonne nouvelle. Les marchés financiers ont d’ailleurs réagi positivement à l’annonce des chiffres de la croissance 2014. L'index de la Bourse de Shanghai a enregistré, mardi, une hausse de 1,85 %, tandis que le Nikkei japonais augmentait de 2,03 %.
Des bombes économiques prêtes à exploser
Mais ce "nouveau normal" de 7 % de croissance par an souligne aussi "tous les défis que la Chine a encore à surmonter", juge Mary-Françoise Renard, directrice de l'Institut français de recherche sur l'économie de la Chine. Le pays, selon elle, vit sa "seconde transition économique". La phase de rattrapage est en train de céder sa place à un modèle digne d’un pays développé.
Les 20 ans de croissance tous azimuts ont semé plusieurs bombes économiques prêtes à exploser. "Le principal problème est la surcapacité de production de certains secteurs, comme l’immobilier et plusieurs industries lourdes telles que l’acier", analyse Jean-François Dufour. Les logements vides se multiplient, ce qui fait baisser les prix et créé un risque de crise immobilière. "Le secteur financier est aussi fragile", ajoute-t-il. Officiellement, le taux de créances douteuses détenues par les banques est de 1 %, mais il serait "plutôt de l'ordre de plusieurs dizaines de pour cent", estime Jean-François Dufour.
Les banques ont, en effet, été encouragées par les pouvoirs publics à prêter sans compter aux promoteurs immobiliers, gouvernements locaux afin de soutenir la croissance. Du coup, il y a un "important problème d’endettement des autorités locales", rappelle Mary-Françoise Renard. Le souci est autant politique qu'économique. L’industrialisation à marche forcée pour se transformer en puissance exportatrice de premier plan a aussi laissé une facture écologique importante que les Chinois n’ont pas fini de payer.
Des manœuvres subtiles seront nécessaires
Solder l’héritage des 20 ou 30 glorieuses chinoises pour assainir le système économique demandera du doigté aux dirigeants chinois. "Pékin ne peut, ainsi, pas réformer brutalement tout le secteur financier car, même s’il en a besoin, cela risquerait de déstabiliser toute l’économie chinoise", estime Jean-François Dufour. "Il va y avoir des interventions à la marge, des réformes les unes après les autres et non plus des grands plans de relance comme en 2009", ajoute Mary-Françoise Renard.
Le temps des grands bouleversements est révolu : ces changements de grande ampleur ont tendance à faire baisser le taux de croissance le temps que l'économie s’acclimate à la nouvelle donne. Un luxe que Pékin peut de moins en moins se permettre : "En l’absence de réelle démocratie, la légitimité du pouvoir réside dans la stabilité économique", rappelle Mary-Françoise Renard.