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Avec "L'Affaire SK1", Frédéric Tellier revient sur la traque et le procès de Guy Georges, connu pour être le premier tueur en série français confondu par son ADN. Un polar bancal qui lorgne sans convaincre vers le thriller hollywoodien.

Chaque mardi, France 24 se penche sur deux films qui sortent dans les salles françaises. Cette semaine, le polar bancal "L’Affaire SK1" de Frédéric Tellier et la sympathique fable burlesque "La Rançon de la gloire" de Xavier Beauvois.

La tentation était trop grande. L'historiographie judiciaire française ne recensant au chapitre "tueurs en série" que très peu de spécimens, le cinéma hexagonal se devait de se pencher sur le cas le plus retentissant que le pays ait connu ces dernières années : Guy Georges, "le tueur de l'est parisien".

L'affaire recèle tous les éléments d'un haletant thriller policier dont Hollywood a arrêté les codes au gré de ses multiples productions. Jugez plutôt : "7 ans d'enquête, 4 000 policiers. La plus grande traque jamais organisée en France. L'affaire la plus complexe du 36 quai des Orfèvres", nous dit l'affiche de "L'Affaire SK1", le premier film consacré au "serial killer" dont les crimes d'une rare sauvagerie tinrent la France en haleine au milieu des années 1990.

Las, le long métrage de Frédéric Tellier peine à rivaliser avec les superlatifs qui collent à cette affaire. Trop scolaire, trop encombré, trop intentionnel. On décèle bien trop vite la volonté du réalisateur de dépasser la chronique policière (dysfonctionnements de l'appareil judiciaire, guerre des polices, utilisation controversée des fichiers ADN) pour occuper le terrain de la psychologie. À l'instar des hypnotiques "Zodiac" de David Fincher et "Zero Dark Thirty" de Kathryn Bigelow, "L'Affaire SK1" entend démontrer comment une chasse à l’homme peut virer à l’idée fixe. Mais là où ses devanciers américains prenaient le temps d’ausculter la mécanique obsessionnelle de leurs personnages, le cinéaste français expédie la chose en quelques scènes glissées au petit bonheur la chance entre deux éléments d'enquête.

Dès les premières minutes, nous sommes mis devant le fait accompli. À peine prend-il connaissance des meurtres de jeunes filles qu’il doit élucider que le jeune Charlie (Raphaël Personnaz) confie à son épouse l’attendant le soir à la maison être complètement hanté par le dossier… La suite est à l’avenant, qui s’efforcera de montrer de-ci de-là le besoin impérieux de la bande de flics du "36" (Olivier Gourmet, Michel Vuillermoz, Chloé Stefani…) de décompresser autour d’une bonne bière et de conseils bien sentis ("Essaie de prendre de la distance, sinon elle va te démolir cette affaire").

On se laissera en fait davantage emmener par le volet judiciaire de "L’Affaire SK1". Intercalées dans le récit de la traque policière, les scènes reconstituant le procès, censé à l’époque percer le mystère Guy Georges (incarné ici par Adama Niane), représentent le principal intérêt du film. D’autant qu’elles se centrent quasi exclusivement sur le travail - pour le moins compliqué - de la défense.

En s’attardant sur la position des avocats de Guy Georges, Frédéric Tellier touche ici une corde sensible qui consiste à humaniser l’"inhumain". "J'ai consacré sept ans de ma vie à traquer le monstre", dit le flic Charlie à l’avocate du tueur (Nathalie Baye). "Et moi, j’ai traqué l'homme qu'il y a derrière le monstre", répond cette dernière. C’est ce que tente également le film. Notamment dans la déroutante scène où le "serial killer" en pleurs, après s’être acharné à plaider non coupable, avoue un à un les sept viols et meurtres qu’il a commis. La démarche est assez osée lorsqu'on sait l'effroi que provoque encore l'évocation de Guy Georges chez les Français.

-"L'Affaire SK1" de Frédéric Tellier, avec Raphaël Personnaz, Nathalie Baye, Olivier Gourmet, Adama Niane, Michel Vuillermoz... (2 h).

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