
Des graffitis de mains rouges à l'extérieur du Mémorial de la Shoah à Paris, le 14 mai 2024. © Antonin Utz, AFP archives
L'affaire des "mains rouges" taguées sur le Mémorial de la Shoah en mai 2024, se poursuit au tribunal correctionnel de Paris. Quatre hommes de nationalité bulgare sont jugés,à partir du mercredi 29 octobre. Un dossier sur lequel plane le spectre d'une ingérence russe.
La procureure de Paris, Laure Beccuau, affirmait en septembre que cette affaire faisait partie d'une série de tentatives de déstabilisation visant à "semer le trouble" et "créer des fractures" dans la population française.
Elle citait neuf dossiers au total, liés à des ingérences étrangères, et parmi elles : les étoiles de David bleues taguées en région parisienne en octobre 2023, les cercueils déposés au pied de la tour Eiffel couverts du drapeau français et portant la mention "soldats français de l'Ukraine" en juin 2024 ou, plus récemment, les têtes de cochon déposées devant plusieurs mosquées d'Ile-de-France.
Pour les tags de mains rouges, trois personnes sont en détention provisoire depuis leur extradition depuis la Croatie et la Bulgarie. Une quatrième, "en fuite, fait l'objet d'un mandat d'arrêt et pourra être jugée en son absence", avait précisé le parquet en juillet.
Trois prévenus doivent répondre de dégradations en réunion et en raison de la prétendue appartenance à une race, ethnie ou religion, ainsi que pour association de malfaiteurs.
La quatrième personne, soupçonnée d'avoir effectué les réservations d'hébergement et de transports des auteurs principaux, est poursuivie pour la complicité des dégradations aggravées et pour association de malfaiteurs. Tous encourent sept ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.
Dizaines de tags
Dans la nuit du 13 au 14 mai 2024, en pleine guerre à Gaza, 35 tags représentant des mains rouges - symbole pouvant être lié au lynchage de soldats israéliens à Ramallah, en Cisjordanie, en 2000 - avaient été peints sur le Mur des Justes du Mémorial de la Shoah à Paris.
Plusieurs dizaines de tags similaires avaient été découverts sur des murs dans les IVe et Ve arrondissements de la capitale.
Un agent de sécurité du Mémorial de la Shoah "avait surpris deux personnes" en train d'"apposer des pochoirs, et prendre la fuite à son arrivée", avait relaté le parquet.
Les suspects ont été identifiés grâce à l'analyse des images de vidéosurveillance, de leurs lignes téléphoniques, des réservations de vols et d'un hôtel.
Trois d'entre eux avaient pris un bus pour Bruxelles le 14 mai juste après les faits, puis un vol pour Sofia.
"Mon client n'était qu'un simple suiveur, il n'était qu'une pièce rapportée et n'avait pas du tout conscience du lieu concerné. Pour lui, c'était une simple dégradation sans conséquence", avait indiqué cet été à l'AFP Camille Di Tella, qui défend l'un des suspects.
"L'instruction n'a malheureusement pas permis la mise en cause du principal suspect, toujours en fuite et dont l'absence est un vrai problème", avait pour sa part réagi auprès de l'AFP Martin Vettes, autre avocat en défense.
La Russie est soupçonnée
Au cours de l'information judiciaire, s'est dessinée "l'hypothèse que cette action était susceptible de correspondre à une action de déstabilisation de la France orchestrée par les services de renseignement russe", selon le Parquet.
Cette action s'intégrait dans "une stratégie plus large visant à diffuser de fausses informations et également à diviser l'opinion française ou attiser les tensions internes en faisant appel à des 'proxies', c'est-à-dire des personnes qui ne travaillent pas pour ces services mais sont rémunérées par eux pour des tâches ponctuelles par le biais d'intermédiaires, notamment dans des pays voisins de la Russie", avait-il ajouté.
Le service Viginum, chargé de la lutte contre les ingérences numériques étrangères, avait observé "une instrumentalisation" de cette affaire sur X "par des acteurs liés à la Russie".
Cette opération avait été "conduite par le dispositif d'influence russe RRN à travers un réseau de plusieurs milliers de comptes inauthentiques sur Twitter et par un pseudo média français créé par RRN intitulé Artichoc", selon le parquet.
Avec AFP

 
 