
Deux députés doivent remettre début décembre un rapport sur le réaménagement de la loi sur la fin de vie. Leurs conclusions ne vont pas assez loin, selon une autre députée, qui demande que le gouvernement légalise l'euthanasie.
Sur le délicat sujet de la fin de vie, le président de la République optera-t-il pour une loi claire, qui marque une nette avancée ? Ou bien préférera-t-il un consensus mou, qui ferait peu de vagues mais risquerait de ne contenter pleinement aucun camp ?
C'était une promesse de campagne du candidat François Hollande. "Je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité", annonçait-il en 2012 dans son engagement 21, non sans un certain flou.
Il aura fallu deux ans et demi après l’élection présidentielle pour qu’un débat semble enfin lancé sur le sujet et permette de voter une loi en 2015. D’un côté les députés Alain Claeys (PS) et Jean Leonetti (UMP) s’apprêtent en effet à remettre au Premier ministre, début décembre, un rapport sur le réaménagement de la loi de 2005 sur la fin de vie. Leur texte marque une évolution par rapport aux pratiques actuelles mais prône toutefois un large consensus sur cette question de société. Moins modérée, la député Véronique Massonneau (EELV), qui vient d’organiser un colloque sur le sujet, est l’auteure d’une proposition de loi visant à autoriser le suicide assisté et l’euthanasie, qu’elle défendra fin janvier à l’Assemblée nationale.
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Alain Claeys et Jean Leonetti doivent rendre leur rapport à Manuel Valls le 10 décembre, mais leurs conclusions sont déjà connues. S’ils écartent volontairement la question du suicide assisté et ne parlent pas d’euthanasie, les deux députés proposent malgré tout la possibilité d’une "sédation profonde et terminale jusqu’au décès".
"Pour la première fois, nous parlons d’une sédation forte dans le but d’aider à mourir", affirme ainsi Alain Claeys dans une interview publiée le 26 novembre dans "Libération". "Nous proposons que dans des situations où le patient est atteint d'une maladie incurable, où son pronostic vital est engagé à court terme, si le patient souhaite mourir, alors il y a, d'abord, la possibilité de l'arrêt de tout traitement de survie. Ensuite, nous proposons la possibilité d'une ‘sédation profonde et terminale jusqu'au décès’, et dans un délai non déraisonnable", explique-t-il.
"Les souhaits du patient doivent être respectés"
La loi Leonetti, qui depuis 2005 régit la fin de vie, permet déjà l'administration d'antidouleurs dans certains cas bien précis au point d'"abréger la vie", mais elle reste mal comprise et mal appliquée par les médecins. Elle ne prévoit pas en revanche un "droit à la sédation" pour les malades en phase terminale.
Le rapport entend par ailleurs proposer de "rendre contraignantes les directives anticipées" de fin de vie. "C’est-à-dire que si une personne écrit ses souhaits, ces derniers vont s’imposer aux médecins, affirme Alain Claeys dans "Libération". Dans l’hypothèse où la demande sortirait du cadre, c’est au médecin de répondre et il devra le justifier devant un collège de médecins. Avec Jean Leonetti, notre position est claire : les souhaits du patient doivent être respectés."
Mais ces propositions, qui pourraient aboutir à une loi dans les mois à venir, ne font pas l’unanimité, en particulier auprès des tenants d’une ligne plus radicale. L’écologiste Véronique Massonneau, soutenue dans ses propositions par le président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone (PS), déplore en effet que "François Hollande soit toujours à la recherche d'un consensus".
Son projet de loi entend offrir un panel de mesures pour garantir à chacun que ses volontés soient respectées et qu’il pourra bénéficier dans un cadre juridique satisfaisant pour les médecins, personnels soignants et proches, d'une aide active à mourir.
L'objectif, a expliqué à l’AFP Véronique Massonneau, est de "répondre à la demande de tous les citoyens, ceux qui veulent la sédation à visée ultime, ceux qui veulent le suicide assisté, ceux qui veulent l'euthanasie" mais aussi "protéger ceux qui ne veulent rien, notamment pas d'euthanasie".
90 % des Français en faveur de l’euthanasie dans certains cas
De leur côté, les anti-euthanasie comptent bien se faire entendre. Plusieurs associations, menées notamment par Alliance Vita, proche de la Manif pour tous, et rassemblées sous le slogan "Soulager mais pas tuer" ont lancé, vendredi 28 novembre, une campagne de mobilisation, avec une pétition sur Internet.
Le lancement du mouvement a eu lieu sous le parrainage de Philippe Pozzo di Borgo, ce tétraplégique dont le témoignage est passé à la postérité grâce au film "Intouchables". Et déjà, le gouvernement est prévenu : les "anti" sont prêts à déclencher "le moment venu", un appel à manifester dans le cas où "l'équilibre fragile de la loi fin de vie" votée en 2005 serait remis en cause.
"Mais aucune loi sociétale (peine de mort, IVG, mariage pour tous...) n'a obtenu un consensus ; le consensus n'arrive qu'après, une fois ces lois votées et appliquées", rétorque Véronique Massonneau, qui met en avant les exemples européens de la Belgique, du Luxembourg et des Pays-Bas, seuls pays au monde où l’euthanasie active est autorisée.
Toutefois, un consensus ne semble pas inatteignable. Quelque 90 % des Français se déclarent en faveur de l'euthanasie pour les personnes en état végétatif et ils sont toujours près de 80 % à garder le même avis lorsqu'on les interroge sur ce qu'ils feraient s'il s'agissait d'un proche, selon un sondage publié dimanche 16 novembre par "Le Parisien-Aujourd'hui en France". Des chiffres en accord avec ceux présentés dans la plupart des enquêtes déjà réalisées et qui montrent que les Français souhaitent une loi qui autorise l'euthanasie dans des cas bien définis.
Avec AFP