
Les Catalans s'expriment dimanche sur une plus large autonomie de leur région. Les indépendantistes espèrent, grâce à ce vote symbolique, se placer en position de force face à Madrid pour négocier un vrai référendum d'autodétermination.
"Voulez-vous que la Catalogne soit un État ?" et si oui, "Voulez-vous qu'il soit indépendant ?" Les bureaux de vote en Catalogne ont ouvert, dimanche 9 novembre, pour tous ceux qui souhaitent répondre à ces deux questions. Les partisans de l'indépendance espèrent que cette consultation inédite, sans valeur légale, ouvre la voie à un référendum en bonne et due forme.
"Notre but, notre objectif est de voter dans un référendum définitif, si possible en accord avec Madrid", a déclaré le dirigeant catalan, le nationaliste conservateur Artur Mas, après avoir glissé son bulletin dans l'urne. Le chef du gouvernement Mariano Rajoy a rétorqué : "Tant que je serai Premier ministre, la Constitution sera respectée et la souveraineté nationale préservée. Personne ne brisera l'unité nationale tant que je serai Premier ministre".
L'exécutif catalan a maintenu le vote, malgré l'interdiction de la justice espagnole et l'opposition de Madrid. Artur Mas a pris le risque de poursuites pour "désobéissance civile", au nom de la "liberté d'expression", et la "liberté idéologique" du peuple de Catalogne.
Le tribunal constitutionnel a suspendu par deux fois le vote, et doit encore se prononcer sur le fond. Plusieurs plaintes ont été déposée contre la consultation, organisée par des bénévoles sans recensement ni commission électorale.
Les partisans du "non" boycottent
Quelque 5,4 des 7,5 millions d'habitants de la Catalogne peuvent s'exprimer pour cette journée du "9-N" (9 novembre), y compris des jeunes à partir de 16 ans et des étrangers. Les estimations les plus optimistes chiffraient à deux millions le nombre de participants, les partisans du "non" ayant décidé de boycotter la consultation. Mais à la mi-journée, plus d'un million de personnes avaient voté, selon le gouvernement local.
À en croire les sondages, la moitié des habitants souhaite l'indépendance de cette région côtière, qui représente 20 % du PIB de l'Espagne et dont la capitale, Barcelone, rayonne en Europe et au-delà.
Ce thème est l'objet d'une longue série de querelles avec Madrid, à nouveau très vives depuis 2010. Cette année-là, le tribunal constitutionnel, saisi par le conservateur Parti populaire de Mariano Rajoy, a amendé un statut en vigueur en Catalogne depuis 2006 accordant d'importants transferts de compétences à la région ainsi que le statut de nation. Cette décision a balayé une grande partie des acquis de la région, alors même que le moral était au plus bas dans une Catalogne qui plongeait, comme ailleurs, dans la crise.
La crise n'était en outre plus seulement "économique" mais aussi "institutionnelle", "démocratique", avec "des affaires de corruption touchant tous les partis dans tout le territoire", témoigne une militante de Barcelone, Ada Colau, fondatrice d'un mouvement de défense de personnes chassées de leurs logements. "Un désir de changement", a jeté beaucoup de Catalans dans les bras des indépendantistes, explique-t-elle.
Peu importe la légalité
Artur Mas, de Convergencia i Unio (CiU, droite) s'est peu à peu rapproché des indépendantistes, jusqu'à promettre un référendum dès 2012. La Moncloa n'a jamais cédé, la justice espagnole non plus. Mais, assurent les défenseurs du "sí", peu importe la légalité. "Les suffragettes aussi ont été dans l'illégalité, leur mouvement était-il légitime... ?", demande l'avocat indépendantiste Ricard Gene.
"On veut te faire taire", "C'est l'heure, participe !", lisait-on aussi sur les tracts distribués à Barcelone. De leur côté, les opposants à l'indépendance dénoncent le "lavage de cerveau" exercé sur les Catalans en pleine crise et jugent illégal et antidémocratique ce vote. "Nous sommes espagnols et catalans et personne ne fait attention à nous", disait samedi Mercedes Gargallo, une manifestante opposée au vote du 9-N.
Dimanche soir, les indépendantistes mesureront leur force en fonction de la participation obtenue. Mais celle-ci ne sera validée par aucune instance neutre. Ils ont l'espoir qu'elle les placera malgré tout en position de force pour négocier un vrai référendum d'autodétermination, dès lundi.
Avec AFP