Le président américain Barack Obama reçoit ses homologues pakistanais et afghan, Asif Ali Zardari et Hamid Karzaï, ce mercredi, aux États-Unis, pour évoquer la lutte contre les Taliban à la frontière pakistano-afghane.
Reuters - Il est rare que les Pakistanais partagent la même vision de leur pays qu'une administration américaine, mais la progression territoriale des taliban provoque aujourd'hui une convergence de vues entre Islamabad et Washington.
Le président Asif Ali Zardari sera reçu mercredi à la Maison blanche par Barack Obama pour débattre de la stratégie à mener contre les sanctuaires des taliban et d'Al Qaïda à la frontière pakistano-afghane, avec l'avantage de pouvoir s'appuyer sur un consensus tacite à domicile.
Les médias, l'opinion publique, les responsables politiques de tous bords conviennent désormais de l'urgence de repousser la menace des taliban.
"L'humeur change", résume un haut responsable gouvernemental, spécialiste des dossiers de sécurité et de politique étrangère. "Les gens ont peur, ce qui est bon. La peur est bonne conseillère."
Après avoir longtemps soutenu par le passé le mouvement des taliban, le Pakistan subit un violent retour de bâton. D'après le chercheur Farrukh Saleem, du Centre pour la recherche et les études de sécurité, les taliban contrôlent actuellement, sont actifs dans ou imposent une influence sur 12% du territoire.
Depuis une semaine, la presse et les chaînes de télévision ouvrent leurs premières pages et leurs bulletins d'information sur l'offensive militaire contre les extrémistes religieux dans la vallée de Buner, en appelant à soutenir l'armée.
Si peu de gens accordent du crédit à Zardari, du moins les médias ont-ils fait taire leurs critiques en approuvant la décision du gouvernement d'envoyer les troupes dans cette région située à seulement une centaine de kilomètres d'Islamabad.
Plus de 170 combattants islamistes ont été tués dans les combats et une fois terminée l'opération à Buner, on s'attend à ce que l'armée s'attaque au bastion des taliban dans la vallée de Swat, plus au nord.
"Au moins, on commence ici à se rendre compte que c'est notre guerre", déclare un proche conseiller du chef de l'Etat.
"Pendant un an, (...) le président a prononcé ces mots mais ils n'ont pas été entendus. Aujourd'hui, ils résonnent."
Dollars
Barack Obama s'est inquiété de la fragilité du Pakistan mais s'est aussi félicité que son armée commence à
comprendre qu'il lui faut lutter contre l'extrémisme sur son sol au lieu de rester obsédée par l'ennemi historique indien.
Les analystes parient que Zardari reviendra de Washington avec l'appui de l'administration américaine à son gouvernement civil, ainsi qu'avec des engagements financiers.
Les démocrates du Congrès souhaitent l'adoption rapide d'un fonds d'urgence de 94 milliards de dollars, destiné principalement à financer les guerres en Irak et en Afghanistan.
Cette somme pourrait englober aussi une aide économique et militaire de 1,5 milliard au Pakistan, qui tomberait à point
nommé pour Islamabad, à l'approche du budget annuel en juin.
Pour le conseiller de Zardari, Barack Obama devrait "signaler aux Pakistanais qu'il existe un gouvernement légitime,
faible ou fort, qui bénéficie du soutien des Américains tant que le Pakistan continue de concentrer toutes ses ressources contre la vraie menace que représente le terrorisme".
Zardari pourrait aussi accepter des mesures de confiance entre le Pakistan et l'Afghanistan, après des années de méfiance, du temps de la présidence de son prédécesseur Pervez Musharraf.
Crédit
Les critiques n'épargnent pas Zardari, le veuf de l'ancien Premier ministre Benazir Bhutto, à qui il a succédé à la tête du Parti du peuple pakistanais après son assassinat en décembre 2007. Impopulaire, traînant derrière lui de vieilles accusations de corruption, le chef de l'Etat pakistanais reste en butte à l'hostilité de l'opinion publique.
Le crédit que pouvait placer en lui l'administration américaine a commencé à s'effriter quand il est sorti affaibli
de son bras de fer avec le chef de l'opposition Nawaz Sharif en mars, que Washington pourrait engager à collaborer avec Zardari.
Il a diminué encore davantage quand le président a accepté d'imposer la charia réclamée par les taliban en échange de la paix dans la vallée de Swat.
Zardari n'avait pourtant guère le choix, étant donné son impopularité, la menace de défection d'un partenaire de coalition, le soutien massif du parlement à cet accord "paix-contre-charia" et le peu d'entrain des militaires à se lancer dans une offensive sans le soutien de l'opinion.
Des analystes avancent que Zardari a toujours su que l'accord de Swat était voué à l'échec, car les taliban chercheraient à en profiter pour étendre leur emprise. Le chef de l'Etat n'a pas eu à attendre longtemps.
Il pourra dire aux Américains : "Je l'ai fait à ma manière, et j'ai bien fait", estime Najam Sethi, rédacteur en chef du Daily Times. "Il a tout le monde sur le pont contre les taliban (...) sans devoir souffrir de l'opprobre de l'avoir fait à la demande de l'Amérique."