Mercredi, un trader japonais a, par erreur, placé des ordres d’une valeur de 617 milliards de dollars. Il a pu annuler en catastrophe ces transactions, mais cette étourderie souligne à quel point l’erreur humaine peut déstabiliser les marchés.
Il a risqué l’équivalent du PIB de l’Argentine en quelques secondes. Un trader japonais anonyme en a fait la démonstration mercredi 1er octobre. Il s’est mélangé les pinceaux en tapant ses ordres de vente et d’achat d’actions et s’est retrouvé à initier des transactions d’une valeur de 617 milliards de dollars (488 milliards d’euros). De quoi créer un début de panique à la Bourse de Tokyo. Heureusement, les ordres ont pu être annulés avant qu’ils ne soient exécutés, évitant ainsi à cet incident d’entrer directement à la première place du classement déjà chargé des ratés boursiers ruineux.
C’est à 9h15, mercredi, que les acteurs de la Bourse d’actions japonaise - la deuxième plus importante au monde - ont commencé à voir des alertes sur leur écran. Le volume d’ordres venait, sous l’impulsion de l’erreur du trader, d’exploser et concernaient certaines stars du Nikkei. Le fautif avait demandé, entre autres, d’acheter près de deux milliards d’actions de Toyota, soit 57 % des titres disponibles sur le marché du leader mondial de l’automobile. Sony, Panasonic ou encore Canon ont failli être affectés par cette erreur d’une ampleur sans précédent à Tokyo.
Série d'erreurs
“Je n’ai jamais vu des ordres de cette magnitude être passés puis annulés”, remarque Ayako Sera, un analyste financier tokyoïte, interrogé par la chaîne économique Bloomberg. Le gaffeur a eu de la chance : il avait passé tous ses ordres de gré à gré (c’est-à-dire directement de vendeurs à acheteurs), des actions beaucoup plus simples à annuler que lorsqu’on passe par le marché. Reste que d’autres, pris “par surprise ou épuisés" n’ont pas eu cette chance et on perdu de l’argent en voulant réagir à ce qui n’était en fait qu’une fausse manipulation, remarque le quotidien britannique “The Guardian”.
Cette bévue s’inscrit dans une droite lignée d’une série d’erreurs du même type à la Bourse de Tokyo, rappelle le quotidien économique “Financial Times”. En 2009, la banque suisse UBS s’était trompée de quelques zéros lors d’une transaction. Elle avait passé l’ordre d’acquérir pour 218 milliards d’euros d’actions de l’éditeur de jeu vidéo Capcom alors qu’elle voulait en acheter pour 218 000 euros. Quatre ans plus tôt, une banque japonaise a fait une bourde qui lui avait coûté 196 millions d’euros : elle avait vendu 610 000 actions d’une société à un yen pièce, au lieu d’en vendre une à 610 000 yen.
Quasi-faillite
Mais il n’y a pas qu’au Japon que les opérateurs de marché peuvent se tromper dans les grandes largeurs. À Wall Street, l’un des plus importants acteurs de la place new-yorkaise, Knight Capital Group aurait pu faire faillite à cause d’une telle bourde. Une erreur humaine avait poussé, en août 2012, les ordinateurs de cette société à se transformer en “serial acheteurs”. La plupart des transactions n’ayant pu être annulées, Knight Capital a perdu 450 millions de dollars (356 millions d’euros) dans l’affaire. Ce spécialiste du trading à haute fréquence (grâce à des algorithmes informatiques) avait dû être recapitalisé d’urgence par des investisseurs extérieurs.
Aux États-Unis, cet incident avait engendré une enquête d’un an du régulateur de la Bourse pour essayer de tirer les conséquences de cette erreur qui avait déstabilisé Wall Street. Qu’en sera-t-il après la maladresse à Tokyo ? “Quelqu’un va avoir des problèmes en interne, mais comme l’effet sur le marché a été limité, je ne pense pas que le régulateur s’y intéresse de très près”, explique un trader au “Financial Times”. En d’autres termes, à la Bourse de Tokyo, le proverbe s’inverse : “Mieux vaut guérir que prévenir”.